C’est l’autre crise. Celle qu’on ne veut pas vraiment voir. La crise silencieuse, qui ne dit pas son nom. Une crise tout aussi individuelle et collective que celle du Covid. Un chiffre suffit pourtant à la quantifier. 1 million de personnes sont tombées dans la pauvreté en Italie en 2020.
Le problème des chiffres, surtout ceux avec des 0, c’est qu’on a toujours du mal à les appréhender. Trop grand, trop loin. Toujours une forme de flou. La pauvreté ? Quelle pauvreté ? Mais comme toujours derrière ces chiffres, se cache du terre à terre, du quotidien bien réel. Il y a donc ces exemples, nombreux, comme ce chanteur d’opéra suivi par des caméras de télévision dans sa ronde de livraison de repas. Cette responsable de salle de sport qui dort dans ses vestiaires…La liste est longue.
Et en creux, toujours les mêmes questions sans réponse. Quand ? Quand pourra-t-on réouvrir ? Quand pourra-t-on reprendre une activité normale ? Quand pourra-t-on sortir de cette spirale infernale de la paupérisation forcée ? 4 à 6 semaines ? Peut-être. Mais qui y croit vraiment ? C’est donc un glissement du temps long, aussi progressif qu’unidirectionnel, glissement que les annonces de plan de soutien ne suffisent pas à enrayer.
Il y a une forme de masochisme dans l’exercice de l’éditorial depuis un an. Un tropisme du négatif et de la fatalité duquel il est difficile de s’extraire. On voudrait bien s’extasier, porter un message d’optimisme, mais le réel nous rattrape, toujours. Il y aurait presque une forme d’indécence à faire comme si, à faire semblant. Le monde des chanteurs d’opéra contraint de livrer des repas à domicile existe. C’est triste mais c’est comme ça.