C’est devenu une figure incontournable dans le paysage footballistique français. Daniel Riolo, adulé par les uns, détesté par les autres, il mène, soir après soir sur les antennes de RMC, un combat pour défendre son football. Il vient de publier son dernier livre Cher Football français, chez Hugo Sport. Rencontre.
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Le Football français, tel qu’il existe, est-il condamné ?
DR. C’est toujours dur de dire les choses ainsi, mais, si je vais au bout de ma logique oui, le football français tel qu’on l’a connu est condamné. Ce n’est d’ailleurs pas propre qu’à notre championnat. Les écarts économiques entre les clubs, entre les ligues sont devenus trop grands. Je ne vois pas d’avenir aux formats de compétitions actuels. Les grands clubs ont d’ailleurs depuis longtemps engagé une logique de super ligue fermée, avec ticket d’entrée. La crise économique risque d’accélérer cette évolution.
Au niveau national, le championnat ressemble de plus en plus à une zone de transit, entre des jeunes en préformation et de clubs étrangers. De sorte que le supporter qui se rend au stade ne se reconnait plus dans son équipe, les logiques comptables se substituant aux logiques sportives. Les raisons de s’attacher véritablement à un club s’amenuisent.
Les clubs français se sont-il fait hara-kiri pendant le confinement ?
DR. Cette crise a été l’illustration de tout ce que je voulais dénoncer. J’avais commencé la rédaction avant la crise sanitaire et je pensais la mettre en sommeil, ne pas tirer sur l’ambulance. Et quand j’ai vu que dans le fond, du président de club aux joueurs, tout le monde se désintéressait du football, que le sujet était plus de préserver son classement pour les uns ou de toucher ses droits télé pour les autres, j’ai repris l’écriture.
Il n’y a aucune vue collective pour notre championnat, uniquement l’addition d’intérêts individuels. Comment me reprocher d’être négatif quand les acteurs du football ne font rien d’autres que de la comptabilité.
Il n’y a donc rien à sauver ?
DR. Chaque été, on se prend à rêver. On croit à une forme de renouveau. Avec des arrivées comme celle de Léonardo au PSG, Juninho à Lyon ou Villas Boas à l’OM, on ose croire à un championnat plus passionnant. Et puis, on se rend compte à l’arrivée des compétitions européennes que rien ne change, que personne ne se soucie des éliminations en série, que tout n’est qu’une question financière. Le seul motif d’espoir, ce serait cette super ligue à laquelle je me suis pourtant longtemps opposé. Trois clubs français dans cette nouvelle compétition, et un championnat national plus équilibré ce serait peut-être mieux finalement.
Dans le fond, le foot c’était mieux avant ?
DR. Le supporter qui va au stade fait une délégation de passion, c’est son club, son joueur. Et aujourd’hui il ne s’y retrouve plus. Le foot des années 80 et 90 racontait des histoires. L’OM de Tapie était rebelle, le PSG paillette, Nantes avait le beau jeu, Auxerre le bon sens paysan. Il n’y a plus rien de tout cela. Le patron de Bordeaux n’est jamais au stade, Monaco est géré par un actionnaire russe, il n’y plus de culture de club. Donc oui le foot, en tout cas le foot que j’aime, c’était mieux avant.
Alors comment expliquer l’attraction et la passion pour le foot anglais ?
DR. La différence est simple, eux ont une histoire, un passé. Les anglais ont toujours su marier la modernité avec l’histoire. Le football est un objet culturel à part entière et le joueur qui rejoint un club s’approprie son histoire. Klopp quand il arrive à Liverpool endosse cette histoire ouvrière, idem pour Bielsa à Leeds.
La France elle n’est qu’un centre de préformation géant, c’est comme ça.
Vous regrettez le traitement réservé au football, trop réducteur. Pourquoi cette volonté d’intellectualiser le sport ?
DR. Mon rôle c’est d’être un observateur, d’apporter de l’information, une grille de lecture. Et si possible de faire avancer le débat. Alors oui, il faut élargir le spectre, ne pas parler que du terrain, aborder les enjeux économiques, le fond. On ne s’adresse pas de la même façon aux amateurs de football ou aux millions de français qui ne suivent que l’équipe de France. Quand on va au cinéma, on peut soit consommer un film, soit l’inscrire dans l’histoire de son réalisateur, décortiquer l’œuvre. Le foot c’est pareil.
Mettre de l’intelligence à l’heure de l’instantanéité, n’est-ce pas un vœu pieux ?
DR. Les modes de consommation du foot changent, on regarde des bouts de match, certains clubs, certains joueurs. On tend plus vers un modèle NBA. On s’arrête sur un dribble avec des diffuseurs qui vont acheter uniquement certaines parties d’une rencontre, proposer uniquement du résumé. On est sur du temps très court avec un effet d’écho énorme lié aux réseaux sociaux. Mon rôle d’observateur, encore une fois, c’est d’essayer de remettre du temps long, de poser des perspectives.