Alors que le résultat de l’élection présidentielle américaine tarde à se faire connaître, la question de la fiabilité des sondages d’opinion se pose. Complètement à côté de la plaque en 2016 lors de l’élection qui opposait Trump et Clinton, les sondeurs n’ont pas non plus vu venir ce coude à coude qui pourrait tourner au vinaigreentre Biden et Trump en 2020. Retour sur 3 fois où, que ce soit en France ou ailleurs, les sondages se sont complètement trompés.
1995, le duel à droite
Chirac ou Balladur. En 1995, la droite se déchire. Deux candidats sont en effet en lice à la succession de François Mitterrand. Si Balladur garde la tête du peloton, largement devant Chirac pendant toute la campagne, un revirement a lieu un mois avant le premier tour.
Jacques Chirac double donc Balladur sur le fil, laissant sur le carreau tous ses supporters (comme Nicolas Sarkozy), qui avaient choisi de suivre le Premier ministre de l’époque. Si dans ce cas, les sondages ont su suivre la réalité des votes au tout dernier moment, ce n’est pas le cas sur le classement général. En effet, au premier tour, c’est Lionel Jospin qui devance les deux rivaux de droite.
« Focalisés et aveuglés par le duel Chirac-Balladur, les sondeurs ont sous-estimé voire oublié Jospin », résume Alain Garrigou, professeur de science politique à Paris-X Nanterre sur le site de L’Obs. « Le camp Balladur ressent alors une certaine frustration : les soutiens du Premier ministre, le nez sur les sondages, ont longtemps pensé l’élection jouée », poursuit Alain Garrigou dans les colonnes du magazine. Raison qui poussera plus tard Nicolas Sarkozy à multiplier les sondages, pour éviter de revivre ce cas de figure.
2002, le krach des sondages
S’il est des dates qui restent gravées dans les mémoires, le 21 avril 2002 en fait incontestablement partie. C’est la référence française de l’échec total des instituts de sondage. Ce jour-là, le candidat d’extrême droite Jean-Marie Le Pen surprend tout le monde en se qualifiant au second tour de l’élection présidentielle, grillant ainsi la politesse à Lionel Jospin, candidat malheureux du Parti Socialiste.
Comment cela a-t-il pu arriver ? Une semaine avant le premier tour, Jean-Marie Le Pen n’était crédité que de 10 à 12 % des suffrages. Au fur et à mesure que l’échéance approchait, ce pourcentage a grimpé jusqu’à 13 %. Un taux élevé, certes, mais toujours très loin des 18 % donnés à Lionel Jospin et des 20 % de Jacques Chirac. Or, le jour J, Lionel Jospin n’obtient que 16,2 %, juste derrière Jean-Marie Le Pen et ses 16,9 %. Jacques Chirac, lui, frôle les 20 %.
Les sondeurs se justifieront en prétextant la forte abstention de ce scrutin (plus de 28 %). D’autres indiqueront qu’ils avaient perçus ce revirement au dernier moment, mais n’avaient rien pu faire à cause de l’interdiction de publier des sondages 48 heures avant le vote. L’explication peut aussi se trouver dans la confiance trop forte de l’électorat de gauche, rassuré par des sondages très positifs au profit de Jospin.
2016, le choc du Brexit
Les Français ne sont pas les seuls à avoir une passif bancal côté sondage. Outre-Manche aussi, les instituts de sondage se sont largement trompés. Exemple avec le fameux Brexit en 2016. Au mois de juin, un référendum est organisé au Royaume-Uni sur sa sortie de l’Union Européenne. Des sondages par dizaines sont publiés dans les mois précédents le vote. Si certains donnent la sortie gagnante, ils sont encore minoritaires.
Quelques jours seulement avant le référendum, les résultats sont mitigés selon les sondeurs. Mais de gros instituts, comme le Yougov donnent le camp du « In » vainqueur avec 52% des voix juste avant le vote, rappelle Les Echos, tandis qu’Ipsos-Mori estime que le « Maintain » obtiendra 54% des voix. Raté : le 23 juin 2016, 51,9 % des votes sont pour la sortie de l’UE et seulement 48,1 % pour le maintien.
Face aux critiques, l’institut Yougov se défendra dans un billet publié sur son site internet. Dans ce dernier, il précise qu’ils ont appelé à la prudence en diffusant cette étude. Le sondeur indique aussi que ses sondages ont plus souvent prédit la victoire du Brexit lors des dernières semaines. La raison qui expliquerait l’erreur de ce dernier sondage ? Comme en 2002 : la participation, mais cette fois-ci plus élevée que prévue.