Les Français sont-ils prêts à passer outre leurs libertés individuelles au profit de la lutte contre la covid-19 ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre une étude Elabe pour l’Institut Montaigne, Radio Classique et les Echos.
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », un précepte qui perd tout son sens dans une situation où l’on peine désormais à définir la notion même de liberté. En effet, entre ceux qui appellent au retour des libertés individuelles et ceux qui prônent une lutte sans merci contre l’épidémie, la fracture se creuse. Et c’est sur ce phénomène que s’est penché Elabe. L’institut de sondage a mené une étude sur les arbitrages des Français face à l’épidémie de Covid- 19*. Et il apparaît que ces derniers priorisent en majorité leur santé et celle des autres à leurs libertés individuelles. 76% des sondés pensent ainsi qu’il faut parfois accepter de réduire nos libertés afin de se protéger contre la maladie. A contrario, pour 23% rien n’est plus important que les libertés.
C’est le cas d’Arnaud, coach de 49 ans, « je refuse de passer outre mes libertés individuelles, je veux bien être un humain dans une démocratie, voter et payer des impôts. La contrepartie est qu’on respecte un cadre pour lequel nos ancêtres se sont battus, c’est-à-dire un certain nombre de libertés publiques. Pas pour qu’un préfet soit nommé premier ministre et nous dicte tous les 4 matins, nos droits et nos devoirs. C’est la république des préfets et je ne veux pas de ça ».
La relance face à la santé, un choix clivant
Pour 50% des Français, le plus important est de limiter l’épidémie de Covid-19, même si cela a un impact négatif sur l’économie du pays et l’emploi. A l’inverse, 49% pensent que le plus important est de relancer l’économie et de préserver l’emploi, même si l’épidémie de Covid-19 continue de progresser. C’est le cas de Timothée 33 ans : « à ma connaissance, le covid n’est pas le seul et unique danger qui guette l’humanité par contre c’est le seul et unique sur lequel on se focalise. Les personnes qui sont mortes du covid hier, seraient peut-être mortes d’autre chose demain ». Le jeune cadre ajoute « je pense qu’il y aura plus de morts générés par la gestion du covid que par la maladie elle-même ».
Les Français inquiets face à la dette ?
Face à la crise sanitaire et économique, 58% des sondés estiment que les dépenses engagées par l’Etat sont nécessaires, même si elles creusent la dette. En revanche, 41% jugent que les mesures d’urgence au plus fort de la crise sanitaire étaient nécessaires, mais qu’il faut aujourd’hui réduire les mesures de soutien et de chômage partiel pour ne pas augmenter davantage le niveau de la dette publique. « On peut mettre l’économie sous perfusion pendant un certain temps mais pour ça il faut que l’économie continue de tourner, sinon ça ne fonctionne pas » souligne Arnaud.
Vie sociale ou lutte contre l’épidémie ?
Dans l’arbitrage entre vie sociale et restrictions sanitaires, 66% des Français considèrent que lutter contre l’épidémie de Covid-19 doit être prioritaire, même si cela limite significativement la vie sociale des Français. Pour Valentin, 29 ans, c’est une question de civisme « en réalité si tout le monde est un peu responsable, on peut continuer à vivre normalement. On peut très bien continuer à aller au restaurant, au musée. Il y a plein de choses que l’on peut continuer à faire. Après si pendant un an, on ne fait pas la tournée des bars où on est debout accoudé au comptoir avec une musique qui oblige à parler fort, je pense que ça semble être la moindre des choses au vu de la situation ».
A l’inverse, 33% pensent que continuer à « vivre normalement » et préserver la vie sociale des Français doit être prioritaire, même si l’épidémie de Covid-19 continue de progresser. Sur ce sujet, les différences varient à l’aune des catégories socioprofessionnelles. Les plus aisés sont plus nombreux à penser que la lutte contre l’épidémie doit l’emporter sur la vie sociale, alors qu’ils sont moins nombreux chez les moins aisés.
En termes d’âge, les 25-34 ans sont les moins enthousiastes à l’idée de renoncer à leurs activités sociales : si 58% pensent eux aussi qu’il faut prioriser la lutte contre l’épidémie de Covid-19, ils sont tout de même 41% à estimer qu’il faut, au contraire, continuer de « vivre normalement ».
*Sondage réalisé les 6 et 7 octobre 2020 auprès d’un échantillon de 1.000 personnes selon la méthode des quotas.