[REDIT] C’est une indépendante qui a réussi à se faire un nom dans le cercle très fermé des agences de pub à succès. Avec des coups comme Mélanie peut le faire pour l’UNAPEI ou encore Changez de Job démissionnez pour Cadre Emploi, Glory détonne dans un univers devenu pour le moins raisonnable voire ennuyeux. La réussite est là avec des très nombreux prix gagnés ces dernières années (Grand prix Stratégie, prix du Brand Content…). Alors que la crise sanitaire du covid-19 a mis en pause forcée le secteur, on a voulu prendre le temps d’échanger avec Hugues Pinguet et Arnaud le Bacquer, associés-fondateurs de Glory Paris, sur les difficultés du jour, un peu, et sur la pub de demain, beaucoup.
Comment va Glory aujourd’hui ?
HP : Nous sommes une structure jeune, agile. On ressent donc moins violemment les incidences du confinement. Nous avons été en capacité de nous organiser rapidement. Bien sûr, nos plans de développement sont revus, mais nous misons sur une très forte reprise d’activités à horizon septembre. Tout le monde va vouloir rattraper le temps perdu.
ALB : Il y aura forcément beaucoup de communication dans les mois à venir. Mais les marques ne pourront pas se contenter de discours de posture. La bienveillance a ses limites. Le consommateur est en attente d’actions, d’engagements. Les marques doivent intégrer cette nouvelle donne.
Justement, que vous ont inspiré ces pubs de confinements ?
ALB : Une pauvreté totale. La bienveillance affichée, les messages de remerciements ne sont valables pour une marque que si derrière il y a de vraies actions. Parler, ce n’est pas compliqué, mais ce n’est pas impliquant. Le secteur du luxe et de la mode est un des rares a avoir bien réagi, en faisant le choix d’actions engagées, comme la fabrication de masques. Mais d’autres marques sont clairement en voie de disparition.
HP : Une agence n’est pas là pour créer de fausses actions. Les vieilles marques ont du mal à bouger. Une marque moderne, c’est une marque qui a la capacité de changer rapidement. Il faut intégrer une logique de startup, une force de réinvention permanente. La crise sanitaire a été trop souvent perçue par les marques comme une opportunité pour s’acheter une conscience, s’offrir à peu de frais une dimension sociétale. Les consommateurs attendent autre chose.
Il y avait la place pour faire autre chose ?
ALB : Il faut bien avoir en tête que, pendant cette période, on ne pouvait pas tourner. Tout devait donc se jouer dans l’idée, dans la force du message. Remettons l’idée au centre. Le consommateur est en attente de ce que les marques lui proposent. Il fallait oser plus.
HP : Ce que l’on constate, c’est que les marques et les agences on opté pour la sécurité. Il y avait la possibilité de faire preuve d’audace, d’humour même, mais la peur de la com’ non maîtrisée a été plus forte. Une belle image, un peu de pathos, c’est forcement plus sécurisant pour un annonceur.
Trouvez-vous que les agences ont réussi cette séquence, où sont-elles passées à côté ?
HP : Il y a eu de la frilosité. La séquence était inédite, tout le monde s’est posé la question : « Comment vais-je attaquer cette crise ? ». Globalement, le marché s’est résolu à ne rien faire.
ALB : Les marques sont des spectateurs. Elles regardent en permanence ce que fait le concurrent. Si lui le fait, moi aussi. Elles auraient dû être acteur du moment. La communication d’une marque démontre son esprit d’entreprise. Cette crise a été révélatrice.
Comment voyez-vous demain ?
ALB : On a tous perdu beaucoup d’argent, et il va falloir rattraper. La séquence de l’été va être intense. On sera sur de la pub de promo. Il va falloir déstocker tout ce qui a été produit. Puis, à la rentrée, les marques vont devoir entrer dans le temps de l’action.
HP : Il va inévitablement y avoir une remise en question stratégique à partir de septembre, qui va se matérialiser pleinement en 2021. Notre rapport à l’essentiel a été radicalement transformé. L’essence, par exemple était le cœur du moteur économique, et pendant deux mois nous avons vécu sans. À l’inverse, les pâtes, le riz, le papier toilette sont entrés dans une phase d’hyperconsommation. Notre boulot, ça va être de faire rentrer les produits dans le champ de l’essentiel. Le consommateur a changé. C’est au tour des marques.
Glory s’est fait connaître avec un positionnement mêlant audace et enjeux sociétaux. Comment va évoluer votre positionnement ?
ALB : Je suis convaincu que l’audace est l’avenir de l’Homme. Glory se battra pour que l’on ne revienne pas au monde d’avant. Il faut le dire, les annonceurs sont perdus. Le produit lancé est vieux avant d’être sorti. Il va y avoir un virage radical à opérer, notre rôle en tant qu’agence se verra renforcé.
HP : Nous sommes sur un marché de suiveur. Notre avantage, c’est que depuis notre création nous défendons ces valeurs. On va aller encore plus loin, durcir notre positionnement. Des actes, encore des actes, toujours des actes. Sur le sociétal, il est plus facile de dire, que de faire. Notre marque de fabrique, ce n’est pas la fausse RSE, c’est l’engagement, l’impact. Beaucoup d’autres agences ne sauront pas le faire.
Par Mathieu Soulas