[REDIT] On voulait vous parler des toits de Bruxelles et d’Anderlecht. Pas pour leur esthétisme, encore que, mais parce qu’il s’y passe une petite révolution agricole. La faute à Steven Beckers et ses fermes urbaines, posées sur les toits. Rencontre avec un agriculteur pas comme les autres.
Comment est né le projet des fermes Bigh ?
Au départ, c’est un projet d’architecte… et très vite c’est devenu un projet sociétal. Un projet qui fait de la ville et de l’urbanisme des éléments productifs à part entière. L’idée m’est venue lors d’un voyage en Chine. Une ville avait été entièrement détruite par un tremblement de terre. En moins de deux ans, elle fut intégralement reconstruite, au dépend des anciennes surfaces agricoles exploitables. D’où cette idée de régénérer cette agriculture perdue en pensant différemment l’utilisation des toits. Pour diverses raisons, le projet n’a pas pu voir le jour en Chine, je l’ai donc ramené avec moi, en Belgique. J’ai beaucoup échangé avec les fondateurs de Cradle to Cradle, véritables pionniers de l’économie circulaire et je me suis lancé.
Nous avons ouvert notre première ferme sur le toit du Foodmet, nous récupérons la chaleur et le CO2 produit par le bâtiment pour alimenter notre ferme. Dans la même logique, nous avons pensé un nouveau rapport à l’utilisation de l’eau qui nous permet de réduire drastiquement notre consommation.
Comment innove-t-on sur un marché comme l’agriculture ?
Nous travaillons sur un modèle d’aquaponie, qui mêle donc pisciculture et culture végétale. Ce n’est pas en soi une nouveauté puisque les aztèques utilisaient déjà cette technique. L’approche repose sur un système de contrôle naturel de la redistribution de l’eau en circuit fermé. C’est donc un écosystème naturel dans un milieu artificiel. Avec cette technique, pas besoin d’engrais de synthèse pour les plantes, et interdiction d’antibiotiques pour les poissons.
Des poissons élevés sur les toits, comment réagissent les consommateurs ?
Très bien. Ils comprennent le sens de la démarche et l’approuve. Nous proposons un système transparent, respectueux des animaux, fonctionnant sur des circuits courts. Dans le commerce classique, le temps entre la pêche d’un poisson et sa consommation se compte en semaines. Chez nous il se compte en heures. Nous sommes une ferme ouverte au consommateur, nous organisons même des visites des sites de production. Nous sommes 0 déchet, encore plus écoresponsable que certains labels Bio.
Vous êtes une société belge, quels sont vos projets à l’international ?
Évidemment, nous pensons déjà à l’international. Nous avons deux projets d’implantation dans le Grand Paris, un autre à Lille et un à Milan… Notre objectif reste le même, être en capacité de proposer des circuits courts aux consommateurs. En s’installant sur le toit d’un centre commercial par exemple. Idem, nous sommes toujours en recherche de lieux nous permettant de récupérer d’importantes sources énergétiques, soit autant d’économies de structure.
Vous accordez une grande importance aux enjeux sociétaux ?
Oui, c’est presque un pré-requis lorsque l’on se lance dans l’économie circulaire. Nous sommes reconnus par les populations locales comme des acteurs de mutations urbaines positives. Une anecdote vaut mieux qu’on long discours. Notre usine d’Anderlecht est située sur un abattoir. On comprend aisément l’effet qu’un tel bâtiment peut provoquer auprès des riverains. Et bien, notre ferme, d’une certaine manière, redonne de la fierté aux habitants. Il n’habite plus près d’un abattoir, mais à côté d’une ferme urbaine.