Dans Virus il y a Survi(e). SURVI c’est le nom du recueil de Pierre Nabhan (cofondateur de JOOSNABHAN), aux éditions Envolume. Un recueil de témoignages sur la pandémie, sous forme de haïkus. Rencontre avec l’auteur.
Pourquoi SURVI, qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce recueil ?
Au-delà de l’anagramme de Virus, ce qui m’a tout de suite marqué dès le début de la crise sanitaire c’était que personne ne vivait la même chose au même moment. Plus la crise prenait de l’ampleur plus il m’a semblé important de garder le présent de chacun, la mémoire. J’ai naturellement ressenti l’importance de mettre sur papier des états d’âme, des regards. Tout allait très vite et avant d’oublier le présent ou de se hâter dans les synthèses j’ai voulu sauvegarder comme je le pouvais.
Comment avez-vous récolté toutes ces paroles ? De quelle manière avez-vous travaillé ?
Ça s’est naturellement fait. Avec ma famille aux US, au Canada, en Inde et dans le sud de la France. Des amis aux Japon, en Chine, au Brésil, en Israël. Des rencontres et échanges répétés, notamment avec un urgentiste qui habite dans mon immeuble. Amis célibataires, en famille. J’ai rapidement commencé à noter nos échanges. J’ai également fait un travail de recherche documentaire, notamment vidéo, pour vraiment entendre la voix de médecins, de malades, de professionnels. Fait l’éponge de la meilleure manière que je pouvais. À partir de ces témoignages, j’ai commencé à travailler l’écriture, à partir d’un mot clé, d’une expression, d’une image. L’idée est de conserver le caractère saisissant, présent.
Et pourquoi les haïkus ?
Les haïkus sont une forme d’écriture poétique japonaise. C’est très codifié, trois lignes, dix-sept syllabes, une à deux images, une évocation de saison. J’ai appris le japonais et découvert sa culture dès mes huit ans. Et je me suis très vite mis à écrire des haïkus en m’affranchissant de plusieurs de ses règles, j’ai une approche contemporaine, comme beaucoup de haïkistes aujourd’hui. Ce que j’apprécie avec cette forme c’est sa capacité à saisir l’instant de manière visuelle et avec un décalage. C’est extrêmement accrocheur quand c’est dans le vrai et en même temps c’est très créatif. J’y retrouve beaucoup de similitudes avec ce que je fais depuis vingt-ans pour les marques. Une écriture courte qui marque.
Quel lien avec votre métier ?
Je crée et recrée des marques avec les mots depuis presque vingt ans. Je suis passé par la pub, le branding et design avant de créer JOOSNABHAN avec mon associé Valentin Joos. On résout des problèmes de marque, avec les mots. De la stratégie, à la création de noms et le langage. C’est un métier qui passe d’abord par l’écoute, puis la transformation avec une idée centrale et son expression avec des mots. Il faut souvent savoir dire beaucoup en peu de mot. Il faut toucher à la vérité et la communiquer avec des mots qui allument une lumière dans la tête. Comme les haïkus.
Quels sont les haïkus de SURVI qui vous tiennent le plus à coeur ?
Je suis particulièrement troublé et touché par ceux qui sont en lien avec la solitude et ses impasses, notamment psychologiques. Je trouve qu’on ne parle pas assez de l’impact psychologique de ce qu’on vient de vivre, et qu’on continue à vivre. Quel que soit l’âge, le pays, la condition sociale.
Ça frappe fort
Personne devant la porte
C’est dans ma tête
Notre grand jeu
Avec mon chien
On joue à chat
Derrière la vitre
On se salue
Avec mon reflet
Il y a aussi les manifestations de courage et de responsabilité qui m’ont intéressées. Tout autant que le manque de courage.
Vêtus de blanc
Les soldats résistent
Caducée levé
À grande vitesse
Il fuit
Le train fantôme
En boucle
Les experts prennent le micro
Ils hésitent un peu
Et d’autres thèmes tels que la politique et ses travers sécuritaires, sous couvert de mesures sanitaires :
Les frontières se ferment
Elles regardent d’un mauvais œil
Leurs voisins
Restez chez vous
Allez voter
La politique de l’autruche
Onze mai
Onze mais
Déconfinement
Est-ce que vous avez prévu de continuer à développer ce projet au-delà de l’écriture ?
J’ai créé un compte Instagram pour l’occasion @Pierre_Nabhan sur lequel je transforme les haïkus en clip visuels courts. J’y partage aussi les brouillons avec un traité graphique.
Un autre de mes recueils de haïkus sortira en Janvier, il était initialement prévu pour Mai. La réalité l’a rattrapé.
SURVI recueil de témoignages sur la pandémie, sous forme de haïkus, aux éditions Envolume. Disponible en librairie, sur les plateformes en ligne et sur le site de l’éditeur : https://editionsenvolume.com/survi-de-pierre-nabhan/