Après la crise, le temps des fissures ?
Avant la crise sanitaire, nous pouvions avoir l’impression d’être face à un territoire et une nation complètement morcelés, gagnés par des revendications aussi légitimes que singulières et qui faisaient penser que le collectif, en tant qu’entité, était sur le point d’éclater. C’était peut-être ça l’idée, ou tout du moins sa manifestation, de ce que l’on appelle une transition. Cette transition, avérée ou non, se faisait au profit de certains et au détriment d’autres, avec en creux cette idée que la création de nouvelles voies pose comme préalable la destruction d’un ancien monde, avec la violence que cette action comporte.
Cette crise, par sa soudaineté, sa violence et sa radicalité, nous a permis de trouver des éléments de réalignement communs, vitaux, souverains. Quelles qu’aient été les voix divergentes, elles étaient minimes, marginales, inconséquentes. Le pays faisait corps. On peut prendre comme exemple l’utilité des professions de santé, dont l’engagement a fait la fierté de tous. Ce furent aussi les professionnels de la logistique et des services en matière de distributions alimentaires. Pendant cette séquence inédite, l’idée du collectif dépassait très largement celle de l’intérêt individuel, et le pays, aussi marqué fut-il, était momentanément réaligné avec lui-même.
La crise sanitaire est passée, provisoirement peut-être, mais passée. Comment aujourd’hui ne pas se poser cette question : comment doit-on faire pour garder ces objectifs collectifs, communs ? Comment maintenir cet alignement quand la relance par la demande et par la consommation fait office d’alpha et d’omega de la politique économique ?
Après la crise, le temps des fissures ? Ce réalignement collectif était réel mais se faisait à l’aune de l’esprit de nation, pas des besoins individuels. Ce qui est vrai pour le pays l’est aussi pour les entreprises. Pendant la crise, les marques ont fait ensemble, en partenariat, avec au centre la perception intime de leur utilité. La concurrence est revenue, inévitablement. La guerre économique est redevenue le réel, avec des nouvelles lois concurrentielles. Le bénéfice consommateur comme nouveau socle des promesses de marques.
Et puis il y a ce qui se passe au sein même des entreprises. Comment réengager un corps social usé par des mois de confinement. Le temps de l’urgence recentre l’entreprise sur elle-même, sur sa mission. Mais après ? La peur ou l’exemplarité comme stratégie d’alignement ont montré leurs limites. Ne reste que la démonstration de l’utilité. Et c’est le rôle du dirigeant. Chaque semaine, chaque jour, réaffirmer à chacun l’importance de sa contribution, le sens de sa place. C’est aussi par mimétisme tenir un discours de vérité aux collaborateurs en marge, et en tirer les conséquences. Il faut se forcer à la justesse et respecter ses fondamentaux. Et la mesure du réalignement dans tout cela ? Quels repères, quels curseurs ? La transversalité, l’efficacité opérationnelle et la satisfaction client comme raison d’être.