Pour reprendre leur activité sereinement, les entreprises ont besoin d’un accompagnement juridique. Que ce soit pour les aider à voir plus clair dans les textes, pour comprendre leurs devoirs vis à vis de leurs salariés ou tout simplement pour les aider à rebondir. La profession a pourtant été mise à mal par la crise, et peine aussi à se relever. Les éclairages de Maître Thomas Charat, avocat au Barreau de Paris et président de la Commission ‘Droit et entreprise’ du Conseil National des Barreaux.
Quelles sont les questions que se posent le plus les entreprises au moment de la reprise ?
Cela varie évidemment en fonction de l’activité. Mais à date, les questions que se sont beaucoup posées les entreprises et qui reviennent encore (puisque la reprise se fait au fil de l’eau) font trait aux conditions sanitaires à respecter. Que faire dans les jours qui précèdent la réouverture ? Comment aménager les locaux ? Dans quelles conditions accueillir le public ? Comment assurer la protection des salariés ? Comment faire se dérouler la vie en entreprise ? Il y a aussi beaucoup de questions autour du dispositif d’activité partielle quand l’entreprise ne peut pas reprendre à 100%, notamment en raison du contexte économique ou du maintien de certaines restrictions.
Se posent aussi fréquemment les questions des difficultés des entreprises, même s’il est un peu tôt pour mesurer l’impact de la crise. Le Conseil national des barreaux a élaboré un guide pratico-pratique à destination des avocats. Ils peuvent le mettre à disposition de leurs clients ou de leurs prospects, ainsi qu’un outil d’autodiagnostic pour les entrepreneurs sur cette thématique, disponible sur le site avocat.fr.
« Les entreprises qui se relancent ne doivent pas prendre les questions sanitaires à la légère. »
Quelles sont les erreurs à ne pas commettre au moment de relancer son activité ?
Encore une fois les questions sanitaires ne sont pas à prendre à la légère. Il faut aussi essayer de bien calibrer sa reprise en terme de gestion de stocks, anticipation de production, achat de matières premières ou avance de trésorerie.
Les TPE, PME sont-elles bien accompagnées et informées selon vous ?
Oui et non. La crise sanitaire a eu pour conséquence une inflation des textes. Des ordonnances, des décrets et des arrêtés ont été rédigés dans l’urgence. Ils ne sont pas très compréhensibles, et difficiles à appliquer. Chaque jour a vu son lot de textes émerger. Il y a eu en parallèle beaucoup d’informations « grand public » délivrées sur les sites institutionnels, notamment celui du Ministère du travail, à travers des protocoles, des fiches, des questions-réponses. Mais c’est souvent indigeste, incompréhensible, parfois incohérent. Et cela peut changer du jour au lendemain.
« Il pèse sur l’employeur une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés. »
Dans ce dédale d’informations, il vaut mieux se faire accompagner par un avocat qui apportera un conseil adapté pour permettre une reprise d’activité conforme aux prescriptions du gouvernement. Pèse en effet sur l’employeur une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés. Et ce n’est pas clair sur une éventuelle obligation à l’égard des clients ou fournisseurs de l’entreprise, la plus grande vigilance est nécessaire dès lors que l’entreprise est ouverte aux salariés et aux tiers. Il est donc important de bien se faire conseiller pour se mettre en conformité.
Quelles sont les prochaines étapes pour les entreprises ? À quoi doivent-elles s’attendre dans les mois à venir ?
Il y a bien évidemment cette crainte d’une deuxième vague, et d’un nouvel arrêt d’activité qui pourrait être fatal pour certaines entreprises. Une autre étape importante va être celle de pouvoir reprendre pleinement son activité, de retrouver sa vitesse de croisière et de pouvoir continuer. Les avocats experts des procédures collectives s’attendent à une montée en puissance des procédures collectives. Parfois, l’entreprise ne peut pas se relever. Parfois, elle a besoin en quelque sorte d’un coup de pouce pour poursuivre son activité, pour rebondir, ce que certaines procédures collectives permettent.
39% des 70 000 avocats pourraient mettre la clé sous la porte.
Les avocats sont durement touchés par la crise, comme toutes les professions, quelles sont les conséquences de cette période pour votre branche ?
Au moment du confinement, les avocats étaient dans un mouvement de grève dur contre la réforme des retraites qui les a beaucoup affaibli économiquement. Le confinement n’a pas arrangé la situation, loin de là. Professionnels libéraux, les avocats n’avaient pas le droit à grand-chose comme aide. Le Conseil national des barreaux s’est battu auprès des pouvoirs publics pour obtenir des aides. Nous estimions, au milieu du confinement, que 39% des 70 000 avocats pourraient mettre la clé sous la porte.
Les prochains mois seront décisifs. L’enjeu important, c’est de préserver l’accès au droit. Y compris pour les TPE-PME qui ont besoin de sécurité juridique pour développer leur activité économique. Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, les avocats ont été reconnus par leur gouvernement comme « travailleurs essentiels ». Cela n’a pas été le cas en France. On ne peut que le regretter tant la place du droit est importante pour aider les entreprises à s’en sortir.