Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants alerte sur la situation des TPE de 0 à 5 salariés. Il appelle le gouvernement à pérenniser le fonds de solidarité et le rendre moins bureaucratique. Interview.
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Quelle est la situation des TPE aujourd’hui ?
Marc Sanchez : Elle est inquiétante pour certains et catastrophique pour d’autres. En effet, beaucoup d’entreprises de moins de dix salariés enregistrent un chiffre d’affaires proche de zéro depuis plus d’un mois et demi. La reprise est aussi très stressante pour beaucoup de chefs d’entreprise. En effet, il ne faut pas oublier qu’ils vont devoir assumer financièrement toutes les mesures de prise en charge sanitaire pour leurs salariés et leurs clients avec une trésorerie en berne et un chiffre d’affaires qui ne va pas redémarrer avant plusieurs mois. Dans une enquête menée par le SDI au mois d’avril, 400 000 chefs d’entreprise avaient estimé qu’ils seraient en situation de difficulté de paiement à partir du 15 juin. Ce qui les mènerait par conséquent au dépôt de bilan. Un élément auquel s’ajoutent les nombreuses demandes reçues par nos services juridiques concernant la mise en place de procédures collectives pour licenciement économique. En effet, beaucoup de dirigeants qui démarrent estiment qu’ils n’auront ni la capacité ni les moyens de payer leurs salariés.
Sans compter que les initiatives prises par le gouvernement ne sont pas en adéquation avec les problématiques qu’elles rencontrent. De nombreuses TPE déplorent également l’aspect bureaucratique de ces mesures. Comparé à nos voisins européens comme l’Allemagne ou l’Angleterre qui ont déployé des aides massives et simples à comprendre, le soutien de l’Etat français est plutôt faible.
En quoi les mesures mises en place par le gouvernement sont-elles insuffisantes ?
M.S : Selon les chiffres publiés par Bercy, sur 3 millions d’artisans, commerçants, professionnels libéraux et dirigeants de TPE concernés, seulement 1,9 million ont pu bénéficier du fonds de solidarité en mars. Ceux qui n’ont pas eu accès à la première phase du plan d’aide n’ont par conséquent pas pu bénéficier du report du loyer, de la facture d’énergie… En outre, ce montant équivaut à 1330 e. Lorsque vous faites l’avance pour vos salariés, on est loin du compte. Encore plus incompréhensible, ces derniers ne peuvent pas accéder à la phase 2 du plan de solidarité et aussi au prêt garanti par l’état (PGE). Sur ce sujet, nous sommes en rapport avec Bercy parce qu’on ne comprend pas les chiffres présentés par la Banque de France et la BPI, notamment sur les demandes d’encours moyens à 90 000 euros. Nous considérons que ce n’est pas la réalité du terrain. A l’aune de ce que nous remontent nos adhérents en termes de besoin, l’encourt pour une boîte de 0 à 5 salariés est de 30 000 euros. Or, les statistiques de la banque de France annoncent des sommes qui vont de 90 000 à 150 000 euros. Il est évident que ces montants concernent des entreprises allant de 10 et 15 salariés plutôt que les entreprises entre 0 et 5. C’est là tout le problème. Il faut rappeler que de nombreuses boîtes sont sur le fil. Elles ne sont pas en cessation mais ont subi les gilets jaunes et les mouvements sociaux. Elles auraient vraisemblablement continué leur activité si cette crise n’avait pas existé. Ce sont souvent des entreprises entre 2 et 4 salariés, donc un gros enjeu en termes d’emploi. Ces boîtes-là, d’ici au 15 juin ne vont plus être aptes à honorer les charges à payer. Les mesures mises en place ne suffisent pas malheureusement.
Que demandez-vous au gouvernement ?
M.S : Plusieurs choses. Aujourd’hui, l’enjeu est que ce fonds soit pérennisé et devienne
surtout beaucoup moins bureaucratique qu’il ne l’est actuellement. L’idée est qu’il soit
maintenu, au minimum, jusqu’à la fin de l’année.
Nous demandons également la suppression des charges patronales et fiscales des chefs
d’entreprise (y compris leurs charges personnelles : SSI, CFE…) sur la période de
confinement. Un dispositif que l’on souhaite étendre aux entreprises de moins de 20 salariés.
Nous appelons aussi à proroger ce dernier au-delà de la période de confinement. Au minimum
pendant 3 mois, c’est-à-dire au mois de septembre 2020. Une mesure simple qui donne une
perspective de gain rapide de trésorerie. Elle est également facilement quantifiable et simple à
mettre en pratique.
Comment se déroulent les discussions ?
M.S : Nos échanges avec le sénat, l’assemblée nationale et le gouvernement sont toujours très positifs. Preuve en est l’évolution du fonds de solidarité qui est passé de la version 0 à la version 4 aujourd’hui. Beaucoup de nos propositions ont été retenues notamment celles concernant l’annulation des charges patronales des entreprises de moins de dix salariés. Mais je suis inquiet pour l’avenir.
Bruno le Maire travaille sur un plan de relance qu’il veut mettre en place à l’automne mais on ne peut attendre jusque-là. Il est nécessaire que le plan de relance soit annoncé très vite. Il faut des mesures emblématiques et l’annulation des charges en fait partie. Dans un article du Figaro de la semaine dernière, Bruno le Maire a déclaré qu’on allait devoir faire face à la faillite de nombreuses TPE et à des inscriptions au chômage. Essaye-t-il de préparer le terrain ?
Soit on a un vrai discours qui veut préserver les entreprises, soit on nous explique qu’on a prévu de les laisser crever.