Alors que nous devons faire face à une très violente pandémie qui touche l’ensemble de l’humanité, la mondialisation, selon certains, serait à l’origine de tous nos maux en raison de l’extension très rapide du virus et de la dépendance des pays aux chaines de valeurs mondiales pour s’approvisionner en matériel médical, prônant une « démondialisation » de toute urgence et le retour à la souveraineté des Etats.
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On peut pourtant douter de cette approche quand on voit le désolant spectacle des Etats luttant entre eux pour s’accaparer des stocks de masques ou de médicaments, ou des engagements de production futurs au détriment d’autres pays plus vulnérables, tout en faisant appel à des intermédiaires douteux. Ne nous y trompons pas, le retour à une production nationale de produits stratégiques n’empêchera pas la dépendance de pays tiers pour l’approvisionnement de certaines matières premières n’existant pas sur le territoire français (les terres rares hévéa, curare, etc.).
Comme on le voit, cette dépendance aux chaines mondiales d’approvisionnement n’a pas pour origine une mondialisation débridée, mais est le fruit d’une industrialisation de nos sociétés qui n’a été possible qu’en mobilisant les ressources de la planète : les biens, mais aussi les personnes et les connaissances. C’est l’application de la théorie des avantages comparatifs dans le commerce international. On est en droit de penser que la libre circulation de millions d’individus à travers le monde, en particulier par voie aérienne, doit plus au progrès technologique dans le domaine du transport qu’à la mondialisation de l’économie.
On peut aussi constater que les pays qui s’en sortent le mieux, comme Taiwan ou la Corée du sud, sont très intégrés dans les chaines de production internationales. Plus près de nous, l’Allemagne, dont le PIB dépend à 30 % de ses exportations, est souvent citée comme faisant mieux face à la pandémie que d’autres pays européens.
C’est pourquoi une coordination internationale aurait été absolument nécessaire, au lieu du repli sur soi, pour assurer un approvisionnement d’urgence en masques et autres équipements médicaux là où la pandémie était la plus sévère. Nous devons être convaincus que la mondialisation n’est pas le problème mais fait partie de la solution. En effet, c’est en mutualisant l’information ou en développant la coopération scientifique au niveau international que l’on pourra plus vite trouver le bon traitement, le bon vaccin. C’est aussi en partageant les bonnes pratiques des entreprises au niveau mondial que l’on pourra lutter plus efficacement contre la pandémie, limiter sa propagation et son effet destructeur sur l’économie mondiale. C’est le sens de l’enquête menée actuellement par l’OMS et la Chambre de Commerce Internationale auprès des entreprises et lancée dès le 16 mars dernier.
Dans ce contexte, les organisations intergouvernementales créées pour la plupart à la suite de la deuxième guerre mondiale pour en éviter une troisième et contribuer à un système de gouvernance mondiale, doivent être soutenues, au lieu d’être critiquées. Comme le souligne Bill Gates, « nous avons besoin d’institutions mondiales fortes pour lutter contre les pandémies, le bioterrorisme, le changement climatique, car ce sont des problèmes que même le pays le plus riche ne peut résoudre seul ».
Pour terminer, je voudrais prendre l’exemple de l’OMC et son rôle dans la lutte contre la pandémie. Même si l’action sanitaire relève des Etats, les règles du multilatéralisme commercial contribuent à limiter les entraves au commerce des produits vitaux et facilite, de manière transparente et équitable, la circulation des biens nécessaires à la lutte contre le virus dans le monde entier.
François Georges – Membre de Synopia -Ex Délégué général du Comité français de la Chambre de Commerce Internationale