Du transport au service à la personne, l’uberisation est un processus économique qui concerne un nombre toujours plus grand de secteurs. En envisageant de recourir à des travailleurs indépendants pour remplacer ses conseillers bancaires, la Caisse d’Épargne semble suivre la tendance.
Quid du projet de la Caisse d’Épargne ?
Fin janvier 2020, un projet baptisé « Banquier et Entrepreneur » a fait l’effet d’une véritable onde de choc dans le milieu bancaire. Dévoilé au CEBPL (conseil social et économique de la Caisse d’Épargne Bretagne-Pays de Loire), il envisage le recours à des conseillers indépendants locaux, ou CIL, qui ne seront pas des salariés de « l’Écureuil ». Un document* auquel les experts de MoneyVox ont eu accès apporte un éclairage sur les raisons d’une telle décision. Il y apparaît que la Caisse d’Epargne Bretagne-Pays de Loire vit un contexte difficile. Son chiffre d’affaires a chuté de 13,76 % entre les années 2013 et 2018. En outre, la population de ces zones rurales est vieillissante et la concurrence des banques numériques pèse lourd. Aux yeux de la Caisse d’Épargne, les CIL pourraient être une solution pour pallier la désertification bancaire.
Quels risques laisse présager le recours aux CIL ?
Si les arguments avancés par la Caisse d’Épargne semblent louables, différents problèmes sont cependant posés. Pour Frédéric Guyonnet, les clients seraient les premières victimes. Selon lui, les CIL s’apparenteraient plutôt à des « vendeurs » qu’à des conseillers. Rémunérés à la commission, les conseillers indépendants locaux seraient davantage mus par l’appât du gain. Le projet dévoilé par le CEBPL soulève également le problème du secret bancaire. Afin de remplir leur mission, les CIL devront avoir accès aux données bancaires confidentielles. Le risque de voir la protection du client amoindrie est donc réel d’après le syndicaliste Aurélien Soustre. Selon ses dires, le devenir des salariés des agences en zones rurales ainsi que la rémunération des CIL posent aussi un certain nombre de questions.
L’uberisation des conseillers bancaires : un processus inéluctable ?
Le projet prévu par CEBPL est-il annonciateur de mutations en profondeur pour le secteur bancaire ? Rien n’est moins sûr. Pour que l’expérience ait lieu, la Caisse d’Épargne doit d’abord obtenir l’autorisation de l’ACPR, ou Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Selon Aurélien Soustre, la CNIL peut aussi manifester des réticences vis-à-vis de l’utilisation des données bancaires. Le projet risque enfin de susciter une levée de boucliers des syndicats qui sont, pour la plupart d’entre eux, farouchement opposés à l’expérience.
La Caisse d’Épargne envisage de recourir à des conseillers indépendants locaux pour maintenir à moindres frais sa présence dans certaines zones rurales. Cependant, le projet est loin de faire l’unanimité et posent beaucoup de questions pratiques et éthiques.
*Rapport annuel de la CEBPL 2018.