Alors que les Français se préparent la mort dans l’âme à au moins 15 jours de confinement, certains optimistes y voient une opportunité à saisir. Et si cette quarantaine était l’occasion de ralentir le rythme effréné dans lequel nous vivons chaque jour ? C’est ce que nous a expliqué Laurent Vidal, professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de La Rochelle et auteur de l’essai « Les Hommes Lents »*.
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Crise sanitaire sans précédent, le coronavirus nous force en fait à ralentir le rythme de notre société…
Laurent Vidal : Quelque chose d’intéressant se produit avec le coronavirus : la machine est grippée. La mécanique, notamment des échanges, se retrouve grippée. Le coronavirus, c’est comme les grains de sable qui viennent ralentir les rouages d’une machine. Il y a quelque chose qui est en train de s’ouvrir, je ne sais pas quoi. On se rend compte bien évidemment d’une dépendance vis-à-vis de certains pays. Mais surtout, j’ai hâte que l’on se rende compte que nos sociétés sont dépendantes d’un seul rythme, et qu’on ne sait rien faire sans lui. Il y a une crise économique parce que les échanges ne peuvent plus se réaliser sous ce rythme absurde qui a été établi jusqu’à maintenant. C’est quelque chose de sidérant. J’espère que cette crise du coronavirus pourrait être l’occasion de créer une prise de conscience sur la nécessité de penser une économie à plusieurs vitesses et à plusieurs rythmes et d’accepter qu’on puisse aussi être efficace socialement en adoptant un autre rythme.
Un conseil à donner à ceux qui veulent changer leur rythme ?
Laurent Vidal : La première chose serait de se dire qu’il faut sortir de cette idée que le temps est notre ennemi, que le temps ne nous sert qu’à nous imposer des contraintes. Oui il y a des contraintes, tout le monde en rencontre dans le travail, dans la vie quotidienne… Très souvent ce sont des contraintes de temps : il faut faire les choses rapidement. Et là, le coronavirus est en train d’accélérer cette dimension.Très bien. Mais il n’y pas de raisons de s’empêcher, de se garder du temps à soi. Il faudrait pouvoir sortir de tout ce qui nous retient à cette vie rapide, tous les réseaux sociaux, internet… Il faut s’offrir des bulles à soi, une demi-heure. Une demi-heure de lecture par jour, c’est un minimum. Sans rien, sans téléphone. Je ne fais pas l’apologie de la déconnexion, mais on peut de temps en temps, chaque jour s’offrir cette bulle où l’on est qu’avec soi et son imaginaire.
*Les Hommes Lents, Laurent Vidal, Flammarion, 2020.