Les jeunes entrepreneurs, par leur culture, leurs valeurs et leurs idées, vont inventer le monde de demain. C’est pour cela que, depuis dix ans, le Moovjee les accompagne et soutien leur engagement. Découvrez leurs témoignages inspirants!
Si vous lisez cet article, c’est que vous avez certainement envie de vous engager pour un enjeu de société, dans votre vie professionnelle. Quel que soit le stade de votre carrière, que cette idée vous titille ou que vous en soyez convaincu, et prêt à agir, cette envie de vous engager nous réunit. Pour moi, Yasmine, 24 ans, c’est dès le début de ma vie professionnelle que j’ai souhaité m’engager pour un enjeu qui me tenait à cœur : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Il paraît qu’un jeune sur cinq veut répondre au même enjeu, ça tombe bien, j’ai besoin de bras forts.
Il paraît aussi que je fais partie de cette génération en quête de sens, c’est ce qui m’aurait poussé dans les voies de l’entrepreneuriat social. Pas si simple. Avant de vous raconter ce que je fais, je vais légèrement faire durer le plaisir et revenir sur mon parcours.
Quel a été mon moteur ?
J’ai étudié pendant cinq ans à Sciences Po, et j’ai fini par un master en Politique énergétique. La suite logique, vous la devinez. Trouver un travail dans un groupe énergétique et, pour ma conscience de “millennial”, me concentrer sur les énergies nouvelles.
Entre temps, les besoins urgents que je vivais au quotidien, c’était la détresse des personnes sans-abri et l’insertion des personnes réfugiées. Je voulais agir. Comment ? Bon, l’idée m’est un peu venue comme “Eurêka”, mais c’était en réalité le résultat de mes origines et de mon expérience.
Voilà donc ma fameuse idée : les Recettes Nomades. Des ateliers de cuisine où un professeur réfugié enseigne une recette à un groupe de 15 apprentis qui cuisinent pour des personnes sans-abri. On peut produire 60 repas par atelier.
L’idée en soi était : quand on cuisine, on cuisine pour plusieurs. Surtout de là où je viens, le Maroc. On a l’habitude de partager nos repas avec des personnes sans-abri. Ça ne demande pas plus d’efforts de faire à manger pour cinq que pour soi. Autant cuisiner plusieurs portions, et les partager avec des personnes dans le besoin.
Pourquoi des professeurs réfugiés ? J’ai rencontré, dans un cadre associatif, des personnes au talent culinaire exceptionnel. Ils font des professeurs bien plus doués que moi et mes pâtes au pesto.
Comment faire ?
Quatre mois avant la fin de mes études, l’idée avait bien germé mais je ne l’avais toujours pas mise en application. Alors, pour mes 23 ans, j’ai réuni mes bêta testeurs, aka mes amis, autour de mon tout premier atelier des Recettes Nomades. J’étais épuisée, mais ça m’a donné envie de recommencer.
Deuxième moment clé : confronter mes idées à des personnes que je ne connaissais pas. J’ai donc participé au Grand Prix Moovjee, et les Recettes Nomades ont été sélectionnées pour la finale. 60 membres du jury pour le pitch. OK. J’avoue que je ne m’attendais pas à autant de personnes inconnues pour confronter mon idée, mais leur enthousiasme et encouragements m’ont réellement donné l’élan pour me lancer.
En juin 2018, je suis diplômée. Alors, je me lance pour de bon ?
Cela fait de longs mois d’hésitation pour me lancer, me direz-vous, mais à moins que vous détestiez profondément votre job ou que vous sortiez illuminé d’une cérémonie d’Ayahuasca, vous hésiterez aussi. “Tu n’as rien à perdre, tu es jeune”, “Tu as fait cinq ans d’études pour ça ?!”. Les avis divergeaient. Spoiler : j’ai fini par me lancer. Je ne peux toujours pas vous dire si j’étais complètement inconsciente ou extrêmement courageuse, mais depuis un an, je me consacre entièrement à mon projet.
Quel est l’intérêt de mener ces actions ?
Si les actions à mettre en place étaient une liste de courses, ça aurait ressemblé à ça : Recettes Nomades, projet du turfu solidaire :
– Trouver des chefs motivés
– Trouver des lieux cool pour cuisiner
– Me faire accompagner par des personnes expérimentées
– Mettre en place un processus efficace et amusant de cours de cuisine
– Convaincre beaucoup de personnes de venir à mes cours de cuisine
Comment réussir à développer mes actions sur ces enjeux ?
Je me suis lancée seule, la première chose à faire était de m’entourer. J’ai eu la chance de me faire accompagner par Singa pendant six mois. Cela m’a beaucoup aidé à structurer mon projet. J’ai suivi un accompagnement spécialisé dans l’ESS avec ESSpace, et aujourd’hui, je suis accompagnée par l’incubateur de Sciences Po entrepreneurs et Smartfood de Paris&co.
Concrètement, comment entreprendre ? Pour organiser mes journées et concrétiser mes plans, il fallait faire preuve d’une rigueur extrême. Pas de compte à rendre, pas de deadlines définies. La deadline, c’est toi. Il fallait apprivoiser cette liberté de manière efficace. Heureusement, j’ai eu accès à des espaces de coworking avec d’autres entrepreneurs, ce qui me permettait de structurer mes journées et surtout, de ne pas me retrouver isolée. Des échanges de bonnes pratiques, du soutien pendant les moments difficiles, et beaucoup, beaucoup de pauses café. Depuis, j’ai embarqué des mentors et des chefs avec moi dans les Recettes Nomades. Ils sont personnellement convaincus par l’intérêt du projet et partagent les mêmes valeurs. Hallelujah ! Grâce à notre travail commun, on a aussi convaincu des entreprises de prendre des cours de cuisine nomade et nous agrandissons notre communauté tous les jours.
Je pourrais m’étaler encore plus, mais j’aimerais conclure mon témoignage en vous disant ce que j’ai retenu :
Trouvez une cause qui vous tient à cœur : si vous comptez vous lancer, vous allez passer de longues heures à travailler, vous allez “pitcher” votre idée 7659671837 fois par jour, vous allez devoir convaincre chaque personne que vous allez embarquer. C’est un travail rigoureux, alors vous avez intérêt à être motivé (et avoir du souffle). Tous les enjeux sont importants, mais lequel est le plus important à vos yeux ? La bonne nouvelle, c’est que c’est plus facile de vendre quelque chose qu’on aime vraiment, pouvez-vous en dire autant de votre job actuel ?
Imaginez une solution concrète : il ne suffit pas de s’attaquer à un enjeu, il faut trouver une solution concrète, même si elle est très simple. Une chose à la fois. Le plus important c’est de commencer quelque part, vous vous développerez ensuite. Dans mon cas c’est un repas pour des personnes sans-abri. Ce n’est pas un logement ou une situation stable, mais c’est un début.
Débrouillez-vous avec des petits moyens : si vous comptez avoir un grand local, ou disposer de grands moyens dès le début, commencez à chercher une alternative. Il faut faire ses preuves avec les moyens du bord. Je n’ai toujours pas l’atelier de cuisine de mes rêves, mais j’ai des plaques à induction du tonnerre qui collent avec toutes les prises.
Entourez-vous : que vous soyez seul ou à plusieurs, votre projet n’aura d’élan que si vous vous entourez d’experts. On a la chance d’en avoir beaucoup à Paris. Ils ont du recul, de l’expérience et du réseau. ça vous donnera aussi de la légitimité auprès de votre famille 😉 A un moment il faudra aussi agrandir votre équipe, et déléguer des actions. C’est ce que je suis en train de faire.
Dormez : pas seulement, on est d’accord. Mais être un zombie ne vous avancera pas beaucoup. Trouvez votre rythme. Petite astuce pour me réveiller quand même, je calais des rendez-vous tôt le matin, pour me sortir du lit.
Soyez patients : financièrement, et pas que. Vous n’aurez pas de salaire dès le début, même tout petit. Vous pouvez avoir des jobs alimentaires à côté qui ne vous prennent pas trop de temps. Il faut laisser le temps au projet de se réaliser, le rythme de croisière doit vous correspondre.
N’hésitez pas : les événements networking, par exemple. Ce n’est pas vraiment naturel. J’avais l’impression de me jeter dans la fosse aux lions. A cinq mètres de vous, il y a une personne clé pour votre projet. Désolée de vous l’annoncer, il va falloir sortir votre plus grand sourire, oublier vos inhibitions, marcher ces dix pas et aller lui parler. Même chose pour pitcher ou pour vos rendez-vous. Si vous ne le faites pas, qui d’autre le fera ?
Il n’y a pas que l’entrepreneuriat : même si j’en parle depuis le début, s’engager ça se fait aussi sous d’autres formes : le bénévolat par exemple. Les entrepreneurs ne s’en sortiraient pas sans toutes les autres personnes engagées dans leur projet. Si vous trouvez une association ou une entreprise qui agit en faveur d’un enjeu qui vous touche, soyez bénévoles ou salariés même. Votre engagement sera tout aussi fort.
Allez, la force est en vous !
Yasmine Bachouchi, fondatrice des Recettes Nomades – Mentorée au Moovjee et lauréate du Prix Moovjee