Il paraît qu’Alexis Botaya ne lâche jamais rien quand il a une idée en tête. La petite dernière est une appli. L’innovation, les tendances, le futur, il connaît bien. Portrait d’un entrepreneur qui lit avec ses oreilles.
Elle a une voix. Elle parle. « On crée une relation particulière avec cette appli, ce n’est pas seulement un produit, c’est presque quelqu’un. » Alexis Botaya sourit en plaçant ces mots, conscient d’évoquer une intelligence artificielle. Un réseau de neurones, précise-t-il. « Notre obsession c’est de nous demander comment un narrateur humain ferait la lecture ; il ralentirait sa diction sur un passage complexe, il ne lirait pas une référence de bas de page, une pub… On essaye continuellement d’améliorer l’UX [user experience, N.D.L.R.] de cette voix de synthèse, de lui apprendre à respirer, à faire des pauses là où il faut. »
On sent poindre un sentiment de fierté, et surtout beaucoup d’excitation, tirés de ces petites victoires. Alexis Botaya, 39 ans et serial entrepreneur, a co-fondé Elocance, une appli qui stocke et lit à notre place les contenus choisis : mails, newsletters, articles… Le text to speach n’est certes pas nouveau. Elocance, âgée d’à peine trois semaines, se propose elle de simplifier au maximum un système jusqu’alors complexe ou réservé aux personnes ayant des problèmes de vue. « On essaye de rendre la chose très pure et de la faire entrer dans le quotidien des gens. » L’homme est serein, sa voix posée, chemise blanche et montre au poignet. Simple.
Ne pas tomber dans le buzz
C’est dans un espace de coworking neuf, végétalisé et spacieux, dans le 17e arrondissement de Paris, que nous rencontrons cet ingénieur agronome de formation. « L’agronomie ? Je n’en ai pas fait grand-chose mais j’en ai retenu quelque chose d’important : l’observation. Celle des phénomènes, du vivant, pourrait-on dire. Dans le monde de l’entrepreneuriat, quand on veut créer une innovation, on est dans l’observation des usages, des comportements et des consommateurs. »
« J’ai adoré faire de la prospective »
Puis vient la formation à Sciences po et « c’est là que tout a dérapé » : cinq ans après, il fonde Soon soon soon, une agence qui détecte des innovations en tout genre. « Elles sont intégrées dans une base de données et appareillées avec d’autres innovations pour créer des clusters cohérents et éviter de tomber dans le buzz. Notre modus operandi c’était de prendre du recul par rapport à toutes ces innovations, identifier les tendances, et les étayer par des tas d’exemples. J’ai adoré faire de la prospective, c’était passionnant mais aussi limitatif. » Alors, Alexis Botaya passe de l’autre côté de la barrière et crée lui-même un produit, Elocance, dont il s’occupe de l’ingénierie. L’appli est un questionnement (un pari ?) sur l’avenir : demain, comment les contenus seront-t-ils consommés ?
Le faire plus tôt
« Je suis très branché trip nature. » Le Parisien respire mieux au large, sous l’eau même, en pratiquant la plongée sous-marine depuis des années et aujourd’hui, l’apnée. « Sans la triche des bouteilles, on plonge et c’est tout. » De la boxe aussi. « C’est une école du mental qui m’apporte énormément. » Et lorsqu’il n’est pas dans l’océan, sur un ring ou une trottinette, Alexis Botaya a ses lectures du moment, comme Focus de Daniel Goleman, sur l’attention et notre capacité à la muscler, ou Thinking, fast and slow de Daniel Kehlmann, pour comprendre comment nous faisons nos choix face à des situations données. Quid de ses propres décisions ? Pas de regrets pour cet homme qui fut tour à tour consultant en production de contenus, animateur d’un think tank sur le développement durable et même journaliste au Canada, entre biologie et aventure-exploration « à la Nicolas Hulot ». Ou peut-être : « Je referai la même chose mais je le ferai plus tôt. » Entrepreneur digital à 30 ans, pas si mal pourtant.
Depuis 2014, Alexis Botaya anime l’atelier « Comment booster sa créativité? », à The school of life (Paris) : « Etre créatif, c’est d’abord être observateur. Je ne pense pas qu’on puisse nourrir un quelconque processus d’idéation si on ne se nourrit pas de ce qu’on voit autour de soi. »
De la voie à la voix
Il parle de son admiration pour les gens qui entreprennent. Des hauts et des bas émotionnels difficiles pour soi et l’entourage. Du fait que tout soit source d’enseignement, même les idées qui ne trouvent pas leur modèle économique (comme 2 minute books, fondé en 2015) ou les frustrantes qui ne prendront jamais forme. Un startuper bosse dur et doit savoir pourquoi il le fait. « Moi ça me plaît de rendre service à des utilisateurs. » De la voie à la voix. Alexis Botaya évoque une startup américaine qui a réussi à cloner le timbre du podcaster Joe Rogan et lui à fait « dire n’importe quoi ». Drôle mais angoissant aussi. Son œil scientifique vous dira que tout progrès technologique est porteur de promesse pour l’humanité, en simplifiant notre vie au quotidien. En revanche, avec sa finesse prospectiviste, il rappellera la nécessité de garde-fous lorsque le futur mêle malaise et merveille.
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Elocance en 4 infos clés !
- Collaborateurs : 5
- Associés : 3
- Soutiens : une première levée de fonds pour la première version, une seconde en devenir
- Projets : un développement à l’international prévu au plus vite (monde anglophone) + des collections de contenus (curations) ouvertes aux médias ou entreprises (pour des contenus corporate en interne)