On le savait auteur compositeur, jury enflammé de la Nouvelle Star sur M6 et chroniqueur sur France Inter. On ne l’imaginait pas entrepreneur. Et pourtant, André Manoukian a mis au point un logiciel d’IA pour aider les musiciens à augmenter leurs créations avec le serial entrepreneur Philippe Guillaud.
« Le temps que je n’ai pas passé sur un piano, je l’ai passé sur un clavier », ironise Philippe Guillaud. Avec Muzeek, cet entrepreneur n’en est pas à son coup d’essai. Il est notamment à l’origine de NagraID Security, une solution qui développe et commercialise des cartes à écran pour sécuriser l’accès au cloud grâce à un mot de passe à usage unique. Sa société revendue, on le retrouve donc dans le monde de l’entreprise et de la musique aux côtés de l’auteur compositeur André Manoukian.
Aider les musiciens à mieux vivre de leur art
La rencontre entre les deux Français se fait début 2017 lors d’un dîner à… San Francisco. André Manoukian avait créé sa startup depuis deux ans déjà, mais n’avait pas trouvé la personne capable de bâtir les fondations de son entreprise. « Il y réfléchissait déjà depuis plusieurs années. Il était aux États-Unis pour trouver un moyen de développer son idée avec la force d’être très pédagogue », précise cet ingénieur fou de maths. Ce dernier sait alors convaincre le musicien que l’Intelligence Artificielle n’est pas là pour remplacer la main de l’homme, mais bien pour prolonger son œuvre.
De son côté, l’auteur compositeur lui explique la situation de l’industrie musicale et surtout celle, souvent précaire, des musiciens qui n’arrivent pas à vivre de leur métier.
« Vendre de la musique pour vendre de la musique, ça n’a plus vraiment d’avenir. Elle devient vraiment intéressante et porteuse quand elle est rattachée à un besoin tangible », reconnaît Philippe Guillaud. Très vite, les deux acolytes identifient une brèche potentiellement plus rémunératrice pour les acteurs de la musique. Selon l’entrepreneur, « les besoins en contenus musicaux pour les vidéos sont colossaux ». Pour renforcer les liens unissant ses univers, Muzeek rend possible le fait de synchroniser les enregistrements sonores avec l’image, une fois les variations musicales créées avec l’IA.
De Bach à l’IA : la musique est une histoire d’algorithmes
Cette solution logicielle génère des compositions sonores originales. Ces dernières s’adaptent à des formats audiovisuels (vidéo, clip, podcast, etc.), et ce en quelques secondes seulement. L’IA décuple les possibilités. Elle crée des dizaines, voire des centaines de déclinaisons musicales en un temps record. Un travail de plusieurs heures se trouve alors réduit à quelques minutes.
Le service proposé par le duo est certes innovant, mais pas si nouveau que cela… « Le premier à avoir utilisé des algorithmes dans son œuvre musicale est Jean Sébastien Bach. Certaines de ses compositions sont construites autour d’un algorithme bien précis. C’est saisissant ! », explique André Manoukian. Quant à Muzeek, « c’est une aide créative. Il ne s’agit en aucun cas de remplacer le musicien par une machine ! La matrice de la composition viendra toujours de l’humain. C’est lui, et lui seul, qui porte l’émotion musicale. »
Le gain pour le musicien est réel. « Il va pouvoir toucher des droits non pas sur une seule musique, mais sur toutes ses variations », assure Philippe Guillaud.
Une première levée de fonds pour donner l’impulsion
L’offre, qui démarre à 19 euros par mois et peut grimper à 400 euros mensuels voire plus pour des besoins spéciaux, a été lancée en février 2019, soit un an et demi après la rencontre entre les deux hommes.
Philippe Guillaud en dit un peu plus : « Nous avons officiellement débuté notre collaboration en octobre 2017. André Manoukian est arrivé avec ses musiciens, moi avec mes ingénieurs ! Et le résultat a été au-delà de nos espérances. À l’écoute, nous ne sommes pas capables de faire la différence avec l’IA, car le rendu est celui de l’acoustique. » Pour rendre possible l’aventure, ils ont opéré une première levée de fonds de 1,2 million d’euros en novembre 2018 auprès de OneRagtime pour se lancer sur le marché domestique.
L’élargissement de son territoire musical et géographique
Autre bonne nouvelle : au-delà de sa clientèle cible (les acteurs du web qui produisent un gros volume de vidéos, mais aussi la télévision et les créateurs de séries), Muzeek a signé avec Cristal. Cet éditeur qui propose un catalogue de plus de 30 000 œuvres contient de nombreux genres que le logiciel n’avait pas encore dans ses références.
Un partenariat qui s’inscrit parfaitement dans la stratégie de Muzeek. La volonté de ses fondateurs est claire. Le logiciel va augmenter très rapidement la taille de son catalogue pour devenir un hub et se concentrer sur la technologie, véritable cœur de son réacteur.
Le déploiement passe, à court terme, par une deuxième levée de fonds en série A. Attendue pour septembre 2019, elle devrait permettre à l’entreprise actuellement composée d’une dizaine de salariés (un tiers de musiciens, un tiers d’ingénieurs et le dernier tiers pour les ventes et le marketing) de miser sur son internationalisation.