La prouesse de Sericyne ? Produire de la soie sans tuer le ver, mais en le mettant à contribution pour la fabriquer. Depuis 2015, cette initiative atypique produit le précieux textile pour de grands noms du luxe. Passant par la France, sa route de la soie est définitivement celle de l’innovation.
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Savoir-faire plurimillénaire, la production de soie fait son come-back en France. Son retour remarqué sur nos terres se fait grâce à l’initiative de Sericyne. En effet, la startup créée en 2015 façonne des pièces en soie de manière atypique et surtout inédite. Son procédé de fabrication est un véritable secret industriel, mais ses deux fondatrices concèdent quelques informations à son sujet : leur processus révolutionnaire invite le ver à soie à évoluer librement pour entremêler ses fils et donner vie à des pièces textiles non-tissées en 2D ou en 3D.
Posé sur un moule, le Bombyx mori, c’est-à-dire le ver à soie du mûrier, fabrique directement la matière en régurgitant un mélange de fibroïne (le fil de soie) et de séricine (la colle). Cette mixture donne naissance à une soie tridimensionnelle particulièrement résistante..
La soie française fait son come-back
Autre qualité de Sericyne : la revalorisation de la sériciculture, une industrie moribonde en France. Dans son atelier de Monoblet dans les Cévennes, le label a besoin de près de 2 000 vers par jour pour assurer sa production et apporte une alternative made in France dans un secteur dominé par la production asiatique (la Chine est le premier fournisseur de la planète). La marque a pris le parti de relancer la filière dans l’Hexagone. Elle travaille main dans la main avec des éleveurs tricolores, gommant au passage le lourd impact environnemental qu’implique l’importation de la soie lorsqu’elle vient de l’Orient.
Traditionnelle, sa production ne l’est assurément pas. Pour être opérationnels, les vers doivent être « éduqués », selon les termes des fondatrices. En bref, elles patientent un mois pour que le ver fasse 7 centimètres de long. Pour que sa croissance soit suffisante, le Bombyx est nourri avec près de 30 grammes de feuilles de mûrier par les sériciculteurs, multipliant son poids par 10 000 en 30 jours !
Le Bombyx, nouvelle petite main du luxe
En pleine force de l’âge, il rejoint les locaux de Sericyne où toutes les fantaisies ou presque sont permises… Teinture, découpage au laser, sérigraphie, gaufrage, plissages extravagants et broderies délicates, incrustations de cristaux, plumes ou feuilles d’or. Ces applications protéiformes et luxueuses séduisent une clientèle BtoB haut de gamme.
Le textile achevé est souvent dédié à du packaging et de la décoration. Il se retrouve dans les sphères du luxe, de la mode à l’horlogerie. Et Sericyne mise largement sur le cas par cas et la co-création pour se développer, signant notamment la soie de la ligne Petit H d’Hermès ou celle d’une lampe du designer Dan Yeffet.
Chenilles au corps
Cette idée révolutionnaire qui mixe l’agriculture à l’industrie et la technologie à l’artisanat est née dans l’esprit de Constance Madaule et de Clara Hardy. Cette dernière qui préside aujourd’hui Sericyne, est diplômée de l’École Boulle et de l’ENS Cachan. Elle avait déjà un pied dans le projet lorsqu’elle validait son master 2 en Design et innovation. Alors passionnée par la transformation des matières, l’étudiante vivait en collocation avec… de nombreux vers à soie ! Pour mieux les étudier, elle s’était même rapprochée d’un chercheur de l’INRA.
En route vers la croissance et la diversification
Leur passion commune et leurs expertises résolument complémentaires ont rapidement tapé dans l’œil de LVMH. Depuis l’année dernière, le groupe pouponne Sericyne dans sa maison des startups au sein de l’incubateur parisien Station F. Et leur initiative ultra novatrice leur a valu de nombreuses distinctions. Parmi elles, le prix Mercure HEC Booster, le grand prix du programme NeXT du R3iLab ou encore le trophée INPI catégorie Design.
Quant au futur chemin emprunté par Sericyne, il pourrait bien être celui de la diversification. Le label qui a déjà levé environ 650 000 euros en mars 2017 auprès de Jacques-Antoine Granjon et de Xavier Niel notamment, voit dans la cosmétique une véritable opportunité d’innovation et de croissance. La soie, dont les propriétés hydratantes ne sont plus à démontrer, pourrait ainsi prendre de nouvelles formes. Des papiers matifiants et autres masques regénérants pourraient rapidement voir le jour.