On les dit en danger de mort. Pire, les abeilles seraient en voie de disparition depuis quelques années. C’est dans ce contexte qu’une start-up américaine a décidé de lancer une ruche d’intérieur modulable pour les particuliers.
Tout commence sur les bancs de l’université à la Penn State University. Dustin Betz alors étudiant assiste des chercheurs du Grozinger Pollinator Ecology Research Lab. Le monde des abeilles le captive tellement qu’il décide de leur consacrer sa vie d’entrepreneur. En 2015, il fonde BEEcosystem et présente ses premières ruches d’intérieur pour particuliers. Quasiment au même moment, l’American Beekeepers Foundation déplore la disparition de 44% des colonies d’abeilles aux États-Unis.
La France ne fait hélas pas exception… Le phénomène baptisé ‘le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles’ est tel qu’un tiers des ruches disparaitrait chaque année. Pire, selon l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), certaines ruches auraient enregistré une mortalité de 60 à 90% en 2018. Les apiculteurs de tout le pays tirent la sonnette d’alarme : leurs abeilles se meurent. Face à cette hécatombe, des entreprises se mobilisent.
La ruche d’intérieur, objet déco ou projet éducatif ?
Parmi les dernières initiatives en date, BEEcosystem et sa ruche d’intérieur pour les particuliers. Cette dernière prend la forme d’un hexagone à accrocher au mur. Àl’intérieur, les abeilles sont isolées de la pièce grâce à une plaque de plexiglas transparente qui permet à quiconque de les observer sans entrave. Cette plaque peut s’opacifier afin de respecter les cycles de lumière dont a besoin l’insecte, un bac amovible permet le nettoyage de la ruche, tandis que les abeilles sont reliées à l’extérieur grâce à un tube en plastique.
L’idée avec cette ruche d’un nouveau genre est « d’exposer les non-apiculteurs aux abeilles mellifères et autres pollinisateurs au travail », assure la société américaine. Sa volonté est en effet de s’inscrire dans un cadre éducatif de sensibilisation face à la fragilité et la disparition de ces abeilles. « C’est joli, décoratif, apaisant d’observer les abeilles chez soi, derrière une vitre. C’est une bonne chose de se dire que cela peut remplacer les tablettes à la maison », assure à son tour Dominique Céna, le porte-parole de l’Unaf. Mais la vraie question pour lui est de savoir qui va gérer la colonie ?
« Être en charge d’une colonie d’abeilles, cela ne s’improvise pas »
« Une ruche, ce n’est pas un animal de compagnie. Alors, oui, c’est un peu porter le flanc à la critique, mais certaines personnes veulent avoir des ruches sans y toucher. Or, il faut savoir les gérer et les visiter, notamment pour des raisons sanitaires », poursuit M. Céna. Si cette tâche revient, selon lui, à des particuliers non initiés, on court à la catastrophe.
L’attention doit être de tous les instants. « Être en charge d’une colonie d’abeilles, cela ne s’improvise pas, estime-t-il, car aujourd’hui, l’abeille ne vit plus toute seule. Il faut toujours veiller à ce qu’il ne fasse pas trop chaud, trop froid, trop sec. Les colonies doivent aussi être en phase avec la végétation. Par ailleurs, à un moment donné, la moitié de la ruche la quitte. C’est incontournable, car c’est leur façon de se démultiplier. Anticiper ce phénomène naturel, cela s’apprend. »
Il demeure sceptique face à des initiatives d’élevage d’abeilles par tout un chacun, redoutant le simple effet de mode sans vision à moyen et long termes pour la survie de l’espèce. En vrai passionné, il recommande plutôt, si l’on est sensible à la cause des abeilles, de s’inscrire à des séances d’initiation que l’Unaf dispense partout en France depuis 2013. « Les gens qui viennent sont de tous âges. Certains n’auront jamais de ruches, mais souhaitent comprendre comment cela fonctionne. D’autres ont la bonne démarche de venir se renseigner avant de se lancer. La 3e catégorie de curieux est celle qui rétropédale après s’être lancée trop rapidement : ils possèdent des ruches, mais ne savent pas les gérer », développe M. Céna, lui-même formateur en Ile-de-France.
L’agriculture, clé de voute pour l’avenir des abeilles
L’Unaf est catégorique : « donner un nouveau toit à vos abeilles, c’est très bien, mais le vrai problème est ailleurs. Il faut leur redonner un environnement ». En effet, la solution pour leur survie se trouverait du côté de l’agriculture. Lorsqu’un paysan utilise un insecticide, ce n’est pas parce qu’il veut tuer des abeilles, mais pour avoir plus de rendement, gagner plus décemment sa vie… Le représentant des apiculteurs de France préconise l’interdiction de certaines molécules et la réintroduction de la rotation des cultures. Il en est certain : « plus que des initiatives d’entreprises, aussi ambitieuses ou originales soient-elles, il faut du courage politique pour sauver nos abeilles ».