Tandis que s’achève la 15ème Semaine pour la Qualité de Vie au Travail, l’engagement des salariés français n’est pas au beau fixe ! Pour le Dr Philippe Rodet, spécialiste du bien-être en entreprise, il n’est jamais trop tard pour remotiver ses troupes… Et cela passerait par un « management bienveillant ». Rencontre.
La proportion de salariés désengagés atteint un taux de 54 % dans l’hexagone, soit un des plus mauvais scores des pays de l’OCDE. En cause ? Le niveau de stress des Français, également plus élevé que dans d’autres pays. « Dès que le stress augmente, la motivation se casse la gueule », explique le Dr Philippe Rodet, ancien urgentiste et fondateur du Cabinet Bien-être et Entreprise. « Les grands flux hormonaux sont perturbés, l’adrénaline prend le dessus sur l’acétylcholine, et ça devient très dur de motiver quelqu’un dans ce cas-là ».
Et cela vaut autant dans les grands groupes que dans les startups ou les PME. « On mesure plus souvent le taux d’engagement dans les grosses entreprises, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais de tensions dans les petites boîtes… », souligne l’expert. « En dix ans, on est passé de 40 à 61 % de collaborateurs stressés et, à l’inverse, de 42 à 28 % de collaborateurs très motivés ». Manque de reconnaissance, d’autonomie, difficulté à trouver du sens dans son travail… plusieurs facteurs peuvent expliquer ces chiffres.
« On peut tous se tromper, avoir été maladroit ou débordé. Ce qu’il faut, c’est être capable de le dire »
Les conséquences, elles aussi, sont multiples. « Si un collaborateur fait un boulot qui ne l’intéresse pas, il va s’ennuyer et ne donnera pas le meilleur de lui-même. Dans certains cas, cela peut avoir un impact direct sur sa santé ». En effet, les salariés démotivés subissent 49 % plus d’accidents que les autres et réalisent 60 % plus d’erreurs. « Pour les entreprises, il en résulte un taux d’absentéisme et un turnover plus élevé, assortis d’une baisse de productivité et donc, de profit ».
Mais pour Philippe Rodet, rien n’est jamais perdu. « On peut tous se tromper, avoir été maladroit ou débordé. Ce qu’il faut, c’est être capable de le dire, de reconnaître ses erreurs et d’essayer de les dépasser ». Le rôle du manager prend ici tout son sens. En adoptant un « management bienveillant », il va pouvoir faire baisser le niveau de stress des employés, améliorer leur créativité et renforcer la cohésion des équipes. Cela passe par de petites choses simples, telles que savoir dire merci, reconnaître ses erreurs, laisser suffisamment d’autonomie à ses collaborateurs… Voire même les inciter à marcher au moins 30 min par jour, et leur donner des conseils pour penser plus positif.
« Tous les soirs, je m’accorde quelques minutes pour noter les ennuis de la journée et les moments agréables dans un petit carnet », raconte l’expert. « Je repère ensuite les trois points les plus positifs et je me force à y penser en allant me coucher. C’est une excellente façon d’augmenter son sentiment d’efficacité personnelle, son optimisme et sa confiance en soi. À terme, cela diminue le stress et la sensation de fatigue, car la nuit est ainsi plus réparatrice. Un exercice que je recommande fortement ! ».
« Il faut que les collaborateurs sachent pourquoi ils viennent tous les matins »
Un autre élément essentiel est d’injecter du sens dans le travail de ses collaborateurs. « Il faut qu’ils sachent pourquoi ils viennent tous les matins ». Bien sûr, trouver du sens peut sembler plus difficile pour certaines catégories de métiers. Mais pour l’expert, c’est toujours possible. « Prenez une hôtesse de supermarché, par exemple. Si vous lui demandez à quoi elle sert, elle vous répondra sûrement ‘à encaisser’. Interrogez-la alors sur ses clients. Des personnes âgées viennent-elles faire leurs courses tous les jours, en passant à la même caisse et en s’attardant pour discuter – juste pour rompre leur solitude ? L’hôtesse se découvrira alors un rôle de créatrice de lien social ».
Pour initier ce changement de management, il ne suffit pas de donner quelques clés aux managers : il faut aussi les inciter à modifier leurs habitudes. Cela peut passer par des échéances ou des points de contrôle. « Je leur demande généralement de m’envoyer un mail dans les trois semaines, résumant les actions qu’ils ont effectivement mises en place. Puis je les invite à se réunir trois mois plus tard, pour échanger tous ensemble sur le travail accompli », raconte Philippe Rodet. Une façon de transformer les paroles en actes. Bien sûr, on ne peut attendre de ses collaborateurs un tel effort, si on n’applique pas soi-même ses propres conseils. « Les changements doivent être portés par le sommet du groupe, le Comex. Sinon, les managers ne voudront pas changer ».