Si de plus en plus de femmes créent leur entreprise(1), nous sommes bien peu nombreuses en réalité à vivre correctement de notre activité. Aujourd’hui, seules 12% des entrepreneures parviendraient à s’octroyer un salaire(2). 88% ne vivent pas de leur entreprise ! Au-delà du poids historique et culturel, pourquoi cela semble-t-il plus difficile pour nous ? Et comment faire pour s’approprier les codes économiques ? [Le Blog de Marie-Eloy]
Du Sens mais peu de Business
En parcourant les territoires, on se rend compte que le moteur de la création d’entreprises chez les femmes est bien souvent la quête de sens. Pas celle de l’argent, du pouvoir ni de la réussite. Près de la moitié des créations d’entreprise par les femmes concernent des reconversions(3). Il s’agit d’être en phase avec soi et ses valeurs, de réaliser ce qui nous tient à cœur, de se sentir utile. Avec, bien souvent, cette phrase entendue pour credo «mais au moins, j’aime ce que je fais ».
Facilitant la mise en lien, les réseaux féminins ont le vent en poupe avec des valeurs dans lesquelles se reconnaissent les entrepreneures : la bienveillance, le partage de compétences, l’authenticité dans les échanges. L’entraide fonctionne à plein régime entre dirigeantes. Mais pas le business ! Les fins de mois restent difficiles, l’embauche de salariés, compliquée et les difficultés de trésorerie forment le quotidien de nombreuses d’entre nous.
Peu de Reconnaissance dans le Business
Pourquoi ? Notamment parce que nous avons du mal à nous reconnaître d’une part dans l’image qui nous est renvoyée du chef d’entreprise et du business et d’autre part dans les codes économiques qui régissent ce business.
Via les médias, les prises de paroles, le statut d’experts, les films, les livres, les salons… Nous comprenons généralement vite que nous ne ressemblons pas aux businessmen de référence. Quant aux quelques entrepreneures mises en avant, elles sont soit souvent parvenues à un niveau qui nous semble inatteignable ou sont soit de jeunes prodiges du digital auxquelles nous avons forcément des difficultés à nous identifier. Nous manquons donc cruellement de « rôles modèles » d’entrepreneures en croissance.
En parallèle, nous ne nous reconnaissons pas toujours non plus dans les codes économiques. Pour cause, ils ont été écrits depuis toujours par un univers essentiellement masculin. Ainsi, par exemple, les réseaux business se réunissent généralement très tôt, au petit-déjeuner ou tard le soir, sur des créneaux horaires souvent plus difficiles à s’octroyer régulièrement.
Réconcilier Business + Sens
Aujourd’hui, parmi les entreprises de plus de 10 salariés, seules 14% sont portées par des femmes(4). Un déséquilibre qui a des conséquences évidentes dans toutes les facettes de notre société, que ce soit dans l’innovation, la performance, le social, le sociétal et même l’environnement. Or l’égalité femmes-hommes et l’équilibre global dans notre société passera par cette égalité réelle dans le monde économique.
Pour inciter les entrepreneures à développer leur entreprise, à gagner en impact économique et à participer à créer cet équilibre sociétal, nous devons montrer que la quête de sens est compatible avec la croissance et y travailler ensemble, par exemple en encourageant les entrepreneures de notre entourage à grandir en leadership et en chiffre d’affaires.
Collectivement, insuffler du sens dans les codes économiques
La bienveillance, la transversalité et l’authenticité dans les échanges constituent ainsi la base des nouvelles façons de faire du business, dans lesquelles se reconnaissent plus volontiers les entrepreneures et qui les amènent à s’approprier les codes économiques. Les cercles d’entrepreneures du réseau business Bouge ta Boite(5), par exemple, fonctionnent en s’inspirant de la sociocratie, permettant à chacune d’avoir le même temps de parole que les autres ou de réaliser des élections sans candidats, mettant en avant des dirigeantes qui n’auraient peut-être pas osé candidater à l’animation d’un cercle d’entrepreneures.
Avoir pour objectif d’accroitre son chiffre d’affaires ne signifie pas diminuer la pureté de son engagement. Au contraire, cela permet à ses valeurs d’avoir plus d’impact, de se servir de l’argent comme d’une énergie et de créer une dynamique vertueuse d’emplois, d’investissement, de bien-être… autour de soi.
Individuellement, affirmer sa valeur et ses valeurs
Individuellement, nous avons également toutes un rôle à jouer. Idéalement, il s’agit d’identifier nos propres freins pour mieux les faire sauter. Ils nous apparaissent souvent en échangeant avec d’autres entrepreneures, en se formant ou en brainstormant sur des problématiques communes. Cela peut être par exemple la difficulté à afficher un juste prix pour une prestation, à réaliser un investissement professionnel ou à prospecter. Echanger sur ces problématiques en commun, permet de se fixer des challenges et de s’y tenir plus facilement : être claire sur ses prix, accepter de décevoir, de recevoir un « non » ou prendre son téléphone pour démarcher. Ne pas se brader permet accessoirement d’accroitre l’estime de soi et d’éviter l’épuisement du travail du soir et des week-ends pour compenser.
Faire du business consiste ainsi à affirmer sa juste valeur, à la rendre visible et à la respecter. Pour cela, il est plus facile et plus léger de ne pas avoir de rôle à jouer et de rester soi.
Plus nous serons nombreuses à rester fidèles à nous-mêmes, à nous rendre visibles, plus nous aurons de « rôles modèles », qui nous ressemblent enfin, auxquels nous identifier et plus il nous sera facile d’emprunter ces chemins de croissance déjà tracés.
Affirmer sa valeur est d’intérêt général
Si on ne le fait pas pour soi, faisons-le pour les autres. Faire croître son entreprise permet de donner plus d’impact à ses valeurs pour qu’elles irriguent nos territoires et inspirent d’autres entrepreneurs. En affirmant sa valeur, en faisant du business, en développant son entreprise chacune d’entre nous contribue ainsi à créer une société plus équilibrée.
Affirmer sa valeur, c’est finalement agir, ensemble, pour l’intérêt général. Ça motive, non?
(1) Entre 30 et 38% selon les sources. 38% selon le Ministère de la famille en 2015.
(2) Séverine Le Loarne, chaire Femmes et Renouveau Economique, école de Management de Grenoble. Pour les femmes, vivre correctement de son activité signifie gagner 1500 euros par mois. À la même question, les hommes répondent entre 3000 et 4000 euros
(3) APCE, 2014
(4) KPMG, 2014
(5) Cercles business constitués de 15 entrepreneures ayant entre 0 et 20 salariés, une par secteur d’activité, qui se retrouvent tous les 15 jours pour gagner en leadership, accroitre leur chiffre d’affaires et propulser leur entreprise grâce aux recommandations. Pour savoir s’il en existe un près de chez vous : www.bougetaboite.com.