Sami Nouri a aujourd’hui 21 ans. Après 5 ans de combat pour devenir styliste, l’ancien réfugié a présenté, le 15 juillet dernier, sa propre collection. Et, le fil rouge de toutes ses créations peut être résumé en un mot : l’exode. Une thématique qui traduit bien son histoire.
À 14 ans, Sami Nouri est abandonné. Non pas par sa famille, mais par son passeur qui l’a laissé seul à la gare de Tours. Il est alors recueilli et placé en famille d’accueil. Par la suite, il intègre un collège et s’accroche pour suivre les cours car il ne maîtrise pas bien la langue. « J’utilisais mon smartphone pour comprendre ce qu’on faisait en cours », confie-t-il. Puis, vient le jour où ses professeurs lui demandent ce qu’il veut faire plus tard.
Lorsqu’on lui pose la question, Sami Nouri n’hésite pas une seule seconde : c’est vers la couture qu’il veut s’orienter. « Avec mon père, quand nous avons fui l’Afghanistan pour l’Iran, nous cousions plus de 200 robes par semaine pour survivre », se souvient-il. Malgré la volonté d’une partie du corps enseignant de voir Sami Nouri en CAP restauration, le styliste en devenir rejoint un BEP couture grâce au soutien de sa professeure principale.
« J’ai obtenu un stage chez Galliano et, ensuite j’ai fait mon apprentissage chez Jean-Paul Gaultier »
Il parvient à décrocher un stage chez Galiano. « Ensuite, j’ai fait mon apprentissage chez Jean-Paul Gaultier. Au cours de ces expériences, j’ai pu apprendre de nouvelles techniques, j’ai travaillé avec de vraies matières… J’ai aussi appris le patronage chez Jean-Paul Gaultier. Et, je maîtrisais déjà certaines choses notamment l’utilisation de la machine à coudre », explique-t-il.
Une histoire qui attise la curiosité de certains journalistes et qui fait du bruit. Grâce à ce phénomène, Sami Nouri rencontre beaucoup de monde : journalistes, parrains, marraines, professionnels de la mode et personnes lambdas ; tous ont apporté au jeune designer. « Depuis que je suis arrivé en France, toutes ces personnes m’apportent beaucoup, elles m’aident dans mon travail et me motivent. Je dois notamment beaucoup à mon parrain et à ma marraine. Ce sont eux qui m’ont accueilli quand je suis arrivé en France », explique-t-il. Sami Nouri évoque aussi un mystérieux Daniel : « Il m’a acheté un local pour travailler sur ma collection et il est toujours présent quand j’ai besoin », confie-t-il.
Un altruisme que Sami Nouri trouve parfois étrange. « Je reste vigilant. Parfois, les personnes n’ont pas toujours de bonnes intentions et même lorsqu’elles sont extrêmement généreux, je fais tout pour ne pas abuser de leur gentillesse », développe-t-il.
« Je l’ai vu à la télé. Son histoire et son parcours m’ont tout de suite interpellé »
Parfois certaines rencontres ne préviennent pas. C’est ce qui est arrivé à Sami Nouri lorsqu’il a fait la connaissance de Mickaël Linhoff. L’entrepreneur danois, propriétaire du château du Bois-Guy, a été touché par l’histoire du jeune styliste.
« Je l’ai vu à la télé. Son histoire et son parcours m’ont tout de suite interpellé. Je n’ai bien sûr pas vécu les mêmes choses que lui, mais moi aussi je suis issu d’une famille danoise modeste et j’ai émigré en France. J’ai décidé de l’inviter en vacances dans mon château. Et j’ai tout de suite remarqué qu’il avait l’âme d’un entrepreneur. Il savait où il voulait aller », explique le propriétaire du château.
Au bout de quelques mois, l’entrepreneur danois lui propose d’organiser un défilé. Une opportunité que Sami Nouri s’empresse de saisir. « J’ai décidé de créer une collection haute couture sur le thème de l’exode. J’ai utilisé des matières assez variées : la soie, le cuir, les plumes, la broderie, le cachemire. Et les vêtements étaient entourés par des barbelés ou des grillages pour représenter la migration, la galère… », décrit-t-il.
« À 21 ans, il est difficile de donner des ordres à des personnes qui ont 2 fois voire 3 fois mon âge »
Ce travail de préparation a duré 1 an mais dans cette aventure, Sami Nouri éprouve des difficultés à manager ses équipes. « J’ai 21 ans. Il est difficile de donner des ordres à des personnes qui ont 2 fois voire 3 fois mon âge. J’ai donc désigné une de mes anciennes supérieures, bras droit ! », explique-t-il.
Et « sa collection est époustouflante » à en croire le propriétaire du château du Bois-Guy. « Quand le premier modèle a ouvert le défilé. Tout le monde est resté scotché. Les pièces étaient émouvantes. Des personnes dans le public ont même commencé à pleurer. Il y avait aussi un ton assez provocateur dans ses créations. Avec les barbelés qui revenaient sur chaque pièce, le ton était donné ! C’est sa manière à lui de créer la mode, et cette manière et fortement liée au traumatisme qu’il a eu en émigrant… », explique l’entrepreneur danois.
« Quand on est chef d’entreprise, il est primordial d’être combatif »
Aujourd’hui, Sami Nouri a fait ses armes et veut faire oublier son passé de réfugié. Il souhaite que l’on parle de lui en tant qu’entrepreneur. Et pour cause, il compte monter sa ligne de prêt-à-porter de luxe. « D’abord, j’ambitionne d’aller en vacances à New-York et au Canada (rire)… pour aller voir comment on travaille à l’étranger et importer des idées en France. Ensuite, je veux monter ma collection ».
Pour le moment, Sami Nouri semble avoir le mental et l’ambition nécessaires à l’activité entrepreneuriale. « Quand on est chef d’entreprise, il est primordial d’être combatif. Sinon, au bout d’un an, vous pouvez mettre la clé sous la porte. J’ai déjà tout planifié. Je pense que la première année, je serai déficitaire. Mais au bout de la deuxième année, je commencerai à me développer », anticipe-t-il.