Que M. Trump se soit placé de manière ostentatoire du côté des ennemis de l’accord sur le climat et n’ait pas fait le choix d’en rester un ami inerte et sans initiative est la meilleure nouvelle qui soit. [Le blog de Jacky Isabello]
Ce manichéisme qu’il pratique systématiquement, tant en matière de politique intérieure (Obamacare) que de politique extérieure (Otan, Iran…) constitue une formidable caisse de résonance pour saisir l’opportunité de prendre le pas sur les USA dans tous les domaines de la transition énergétique.
Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique, ne s’y est pas trompé. Ainsi a-t-il précisé vendredi sur Europe 1 : « Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris va entraîner des renforcements d’alliances proportionnés à « la gifle » reçue dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il peut sortir de cette décision quelque chose de positif. Je pense qu’il y a un axe autour de la solidarité universelle qui va se créer et peut-être un axe inattendu entre l’Europe et la Chine, l’Inde.»
« N’oublions pas que les USA ont créé la journée de la terre »
Cette forme de communication sans zone d’ombre. Prendre des positions tranchées, soit blanches, soit noires, constitue de très bonnes armes abandonnées aux concurrents de Monsieur Trump pour se saisir des opportunités offertes par son attitude enfantine. Alors que très opérationnellement, tous les experts s’accordent pour reconnaître que l’accord de Paris ne pourra voir sortir les USA au mieux à partir de 2020. Ce renoncement affirmé avec tambours et trompettes va affaiblir les opportunités de business des USA, pays où de plus en plus de grandes entreprises et de grandes villes prêchent pour une accélération de la transition énergétique.
N’oublions pas que les USA ont créé la journée de la terre, une formidable opération qui voyage de pays en pays depuis plus de 45 ans maintenant. Dès 1970, le fondateur de cet événement le sénateur américain Gaylord Nelson encouragea les étudiants à mettre sur pied des projets de sensibilisation à l’environnement dans leurs communautés. Aujourd’hui, le Jour de la Terre est célébré, à travers le monde, par plus de 500 millions de personnes dans 184 pays. You should remind that Mister Président ! (Pardon mais le Président Macron n’est pas le seul à ânonner quelques mots d’anglais 😊)
Pourquoi donc adopter une posture stratégique aussi rétrograde et dénuée d’intérêt pour l’Amérique. Il a rappelé simplement : « J’ai été élu par les gens de Pittsburgh, pas par ceux de Paris ». Jeudi soir, Donald Trump a martelé une évidence que le monde avait tenté d’oublier ces dernières semaines : les promesses faites aux électeurs du Midwest priment sur les engagements de son prédécesseur.
« On s’offusque des positions de Trump mais elles ne sont pas importantes »
Doublement inique car cette annonce sera contestée par des faits, et seuls les faits comptent en matière d’amélioration de la santé de notre environnement. En effet, les émissions de gaz à effet de serre devraient continuer à diminuer aux États-Unis, à mesure que le gaz naturel remplacera le charbon, qui fut longtemps la principale ressource des centrales électriques américaines, mais est devenu trop coûteux à exploiter.
Mais que vaut cette décision du Président des États-Unis ? Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat juge : « Reste aussi à savoir comment la décision de Donald Trump sera déclinée dans les prochains mois. Quelle sera sa politique à l’égard des énergies renouvelables ? Je ne suis pas sûre qu’il y mette un coup d’arrêt ». Les spécialistes estiment qu’un tel choix ne serait guère judicieux au moment où les grands pays émergents mettent, dans ce domaine, les bouchées doubles. L’Inde et, surtout, la Chine en tête, qui est bien partie pour inverser avant 2030 la courbe de ses émissions.
Greenpeace estime : « Avec trois années consécutives de baisse de la consommation de charbon et l’installation à un rythme record d’énergies renouvelables, la Chine est bien partie pour dépasser ses objectifs en 2020 et 2030 ». Longtemps considérée – et à juste titre – comme le vilain petit canard en matière environnementale, la Chine a une occasion inespérée de changer son image sur la scène internationale. Mais c’est avant tout pour des raisons intérieures que le pays n’a pas l’intention de renoncer à son virage énergétique. Le doublement de la consommation de charbon en une décennie (2004-2014) a alimenté une pollution atmosphérique endémique, entraînant un mécontentement croissant de la population. Et ce n’est pas la seule raison. Le soutien continu que devraient obtenir les industries éolienne et solaire ces prochaines années s’explique aussi par le souci constant de favoriser l’indépendance énergétique du pays. »
Finalement on s’offusque des positions de Trump mais elles ne sont pas importantes. Matthieu Orphelin, ancien porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot semble se consoler en rappelant : « C’était plus grave en 2005 quand George Bush a rejeté le protocole de Kyoto qui ne concernait que les pays les plus industrialisés ».
« L’Europe[…] longtemps en pointe sur les sujets environnementaux »
Mais l’histoire s’écrit parfois à son corps défendant. En effet, dix jours après la victoire de Trump, plus de 350 entreprises, parmi lesquelles quelques grands groupes (HP, eBay, General Mills, Starbucks, Gap, Hilton…), prenaient ainsi la plume pour attirer l’attention du Président, sur les enjeux économiques pour le pays. « La prospérité de l’Amérique sera menacée si nous ne construisons pas une économie économe en hydrocarbures », plaidaient-elles. Certaines n’ont pas attendu et ont annoncé leurs propres objectifs, comme le chocolatier Mars, qui s’est engagé à supprimer complètement les émissions de gaz à effet de serre de ses usines et bureaux d’ici à 2040. « Nous faisons cela car nous avons identifié un vrai risque pour le business », a expliqué l’entreprise. Étonnamment, parmi les entreprises ayant donné le plus la voix ces dernières semaines, les grands groupes de l’énergie, comme ExxonMobil, Shell, ou BP ne sont pas les plus timides.
L’Europe dont peu de gens savent qu’elle a très souvent été en pointe sur les sujets environnementaux, puisque dès 1987 un titre relatif à la protection de l’environnement a été ajouté aux traités, peut désormais endosser un leadership politique et économique prompte à satisfaire les citoyens et permettre aux entreprises de satisfaire leurs ambitions. S’il fallait à l’Europe un grand chantier pour enfin trouver un sujet culturel commun, ciment d’une citoyenneté qui tardait à se trouver, le voici. Et avant que M. Trump s’aperçoive de son erreur et nous refasse le coup du « Make America Green Again », nous avons le temps de prendre une avance certaine !