La période qui s’engage est traditionnellement délicate. Les endorphines, hormone du bonheur, secrétées par le peuple français après l’élection du nouveau président s’estompent petit à petit. Chacun de nous retombe dans le pragmatisme des élections législatives. Les candidats proposés par chaque parti pour conquérir le pouvoir à l’Assemblée nationale étant moins connus que les impétrants à l’élection présidentielle, il est moins facile de vibrer. [Le blog de Jacky Isabello, CorioLink]
Il faut donc assurer ses arrières et ne pas faire d’erreur politique durant ce laps de temps pendant lequel les gens, formule chère au leader de la France insoumise, c’est-à-dire les électeurs, oscillent entre plusieurs choix. La résolution : donner la majorité au Président élu ; la sanction : les premiers pas de politique générale déplaisent ; la réflexion : donner sa voix à un candidat sans parti pour assurer un contrôle du gouvernement par des députés qui ne doivent rien à personne.
Et à ce jeu Monsieur Philippe, notre nouveau Premier ministre, a de la mémoire et de la culture politique. Il a compris que d’ici le 18 juin, il faut réassurer. Parce que l’angoisse qui glace d’effroi tout gouvernement à peine nommé, c’est « l’effet Borloo ». Cécile Cornudet cite dans son édito du quotidien les Echos du 22 mai les assomptions ministérielles dans différents journaux : « Les ministres, qui avaient pour habitude de fêter leur entrée en fonction par de grandes déclarations d’intention, se taisent pour l’instant ou ne parlent que pour rassurer.
Jean-Michel Blanquer (Éducation) se présente comme le ministre « des solutions de terrain ». Pas de grande loi qui portera son nom, nous regarderons avec lucidité ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, dit-il dans Le Monde. Gérald Darmanin (Budget) affirme qu’il sera le ministre de la suppression de la taxe d’habitation et de la suspension de l’impôt à la source (La Voix du Nord). À propos de la baisse de 120.000 postes de fonctionnaires avancée dans la campagne, le président m’a dit que le sujet n’est pas de supprimer des postes pour supprimer des postes, tempère-t-il. Sur l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, Nicolas Hulot est plus que prudent. Et sur la CSG, je sais combien le président est attentif aux inquiétudes formulées par les Français, embraye le Premier ministre, Edouard Philippe. Avant de résumer : Je dis à tous, n’ayez pas peur (JDD).
Il y a 10 ans Jean-Louis Borloo dérapait, contraint à la faute
Souvenez-vous, il y a 10 ans maintenant, nous n’étions pas encore entrés dans la grande crise économique dont on perçoit à peine la dispersion, Jean-Louis Borloo dérapait, contraint à la faute par Laurent Fabius. Le soir du premier tour des législatives, sur TF1 puis sur France 2 Jean-Louis Borloo, ministre de l’économie d’alors, s’est laissé entraîner sur le terrain glissant de la TVA.
Comme le chroniquait alors Ghislaine Ottenheimer dans le Nouvel Observateur (devenu depuis l’Obs) : « Loin de démentir catégoriquement le fait qu’une hausse de la TVA viendrait financer les dépenses du programme de N. Sarkozy, et d’établir un distinguo clair et compréhensible entre TVA tout court et TVA sociale, compensée par une baisse de charges, il s’est contenté de répondre que cette mesure était à l’étude. Les socialistes ont trouvé là un formidable slogan de campagne.»
Renaud Dutreil, ministre chiraquien regrettait la bourde de communication : « Jean-Louis Borloo allait devoir s’expliquer sur le projet de TVA sociale, une erreur majeure de communication qui a fait perdre beaucoup de voix à l’UMP et a inquiété les Français. » Les conseillers de l’Elysée avouaient que l’imprudence de M. Borloo avait fait perdre environ 50 députés à la majorité présidentielle.
Nous devrions assister, jusqu’au 19 juin à de nombreuses déclarations émollientes
Comment celui qui fût Ministre de l’économie, puis ministre de développement durable, prétendant à Matignon et plus encore, avait-il pu oublier le fâcheux précédent qui s’est passé en 1997. En 1995, Jacques Chirac avait plaidé en faveur d’une augmentation de la feuille de paie et au final il y a eu hausse de la CSG, de la TVA, de l’ISF. Bilan, une dissolution de l’Assemblée nationale dont les intentions ont été mal interprétées par nos concitoyens.
La France bascula dans une troisième cohabitation. J’étais moi-même un jeune membre de cabinet ministériel et en un claquement de doigts nous avons été « licenciés » par les Français. Moi et mes collègues sommes passés des bureaux en lambris des ministères de la République aux locaux plus humbles de l’ANPE (la fusion avec l’Assedic n’avait pas encore engendré la naissance de Pôle emploi).
Nous devrions assister, jusqu’au 19 juin à de nombreuses déclarations émollientes dirait Philippe Seguin, rassurante selon qu’on se trouve sur un autre bord politique. Le nouveau Premier ministre ne manque pas de mémoire. Voilà ce qu’il faut décrypter de son encyclique lorsqu’il emprunte à Jean-Paul II cette formule presque passée au Panthéon de la communication.