Les Bad Buzz se sont multipliés ces dernières années sur le net. Et pas uniquement dans la sphère politique. Voici 5 conseils pour surmonter ces épreuves digitales.
Ça part dans tous les sens. Quand un Bad Buzz se déploie sur la toile, les entreprises visées sont, dans un premier temps, toujours décontenancées. Faut-il répondre ? Faut-il s’excuser tout de suite ? Au contraire, faut-il tenir sa ligne ? Dirigeante d’un cabinet de conseils spécialisé en crise digital, Marie Muzard donne ses conseil pour éviter de faire ce genre d’erreurs.
[Tweet « De Yves Saint Laurent à Fillon : 5 moyens pour surmonter un Bad Buzz »]
1 Il faut parler (et vite)
Les jambes ouvertes, la position soumise et le corps émacié. À trop vouloir provoquer, Yves Saint Laurent se retrouve désormais sous le feu des critiques avec sa dernière campagne d’affichage. En quelques jours, l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a reçu sur son site plus de 120 plaintes avec différentes motivations : « femme-objets », « incitation au viol », etc.
Problème, la marque refuse absolument de s’excuser et encore moins de parler. « Même si cette absence de communication est une stratégie à laquelle tient Yves Saint Laurent depuis des années, ce silence donne une impression d’arrogance et, surtout, de désintérêt pour son public. On ne peut pas apaiser un Bad Buzz avec cette tactique », explique Marie Muzard. S’entêter n’apporte rien de bon.
2 Transformer (quand c’est possible) un Bad Buzz en Good Buzz
Pourquoi alors ne pas mettre en place une action qui « rétablisse » les valeurs de la marque ? Les responsables de la communication d’Yves Saint Laurent ont préféré laisser la situation s’enliser. Mais, aux yeux de notre experte, il existait pourtant de nombreux leviers pour dédramatiser les choses.
« Ils auraient très bien pu transformer ce Bad buzz en Good Buzz. Déjà, ils auraient pu dire qu’ils sont désolés. À leur place, j’aurais essayé de mettre en place des actions concrètes le jour de la journée de la femme. On aurait pu rappeler de manière sympathique que les femmes sont tout sauf des objets sexuels. Yves Saint Laurent aurait pu aussi inverser les rôles avec des hommes soumis par des femmes plus en chair ».
3 Faire des excuses (et montrer que vous le pensez)
Il y la marque et puis il y a les gens qui la dirigent. Dans une vidéo pas très flatteuse, Travis Kalanick a laissé apercevoir sa vraie nature à un chauffeur qui lui expliquait être ruiné à cause de ses choix de dirigeant. « Certaines personnes n’aiment pas endosser la responsabilité de leur propre merde. Ils blâment tout le monde dans leur vie ou quelqu’un d’autre », conclue sans sourciller le dirigeant de Uber, avant de claquer la porte.
Envoyé le lendemain à la chaîne Bloomberg, la vidéo a fait le tour du web, alourdissant un peu plus le « casier digital » de la marque. À tel point que l’entrepreneur a été obligé de rédiger un mail d’excuse à ses employés. « C’est la 1ère fois que je suis disposé à admettre que j’ai besoin d’aide au leadership et j’ai bien l’intention de l’obtenir », explique-t-il de manière un peu énigmatique.
« Cette réaction est très américaine. Mais, de toute façon il n’avait pas trop le choix. Il fallait bien qu’il montre sa détermination à ne plus refaire les erreurs passées. Malheureusement, le problème de Travis Kalanick est qu’il ne sent pas les sujets sensibles. Il faudrait vraiment qu’il soit sensibilisé aux Bad Buzz », assure Marie Muzard.
4 Prendre garde à ne pas alourdir son « casier digital »
Et c’est bien ça le problème. Travis Kalanick et la marque Uber n’ont cessé d’alourdir leur casier digital : accusation d’harcèlement sexuel au sein de la compagnie, de vol de technologies, d’humiliation des taxis, d’accointance idéologique avec Donald Trump. Or, plus les Bad Buzz s’accumulent, plus il est difficile de garder un contact sain avec sa clientèle. La preuve, Lyft a réussi à dépasser Uber en nombre de téléchargements d’application.
Une perte de terrain qui a démarré lors d’une grève de taxis new-yorkais contre la politique d’immigration de Trump en février dernier. Uber décide alors de réduire ses prix pour l’occasion. Un choix qui scandalise les internautes. Un hashtag #DeleteUber commence même à faire fureur sur les réseaux. Au total, plus de 200 000 personnes ont demandé à supprimer leur compte. Le Bad Buzz est mondial.
« Travis Kalanick a tout de suite essayé d’expliquer qu’il ne voulait pas casser la grève. Mais, son message a été perçu comme ambiguë. Et puis, les précédents ne jouent pas en sa faveur. D’autant qu’il est entré dans le comité stratégique de Donald Trump. Ici, il touche à deux tabous digitaux : discrimination sociale (avec les taxis) et manipulation », souligne Marie Muzard. Uber le paye encore très cher.
5 Ne pas aller à l’encontre de ses valeurs
Normalement, il est toujours possible de surmonter un Bad Buzz. Mais, dans le cas de François Fillon, la « blessure » ne pourra probablement jamais cicatriser. « Je suis de nature optimiste, mais avec Fillon, je me suis tout de suite dit que ce serait difficile pour lui ». Et ce pour une raison très simple : il s’est présenté comme le « good guy ». L’homme au-delà de tout soupçon.
« Déjà, il n’a pas répondu tout de suite au Bad Buzz. Ensuite, il aurait dû faire tout de suite un mea culpa en première intention. Ce qu’il n’a pas fait. Vu le personnage et ses promesses on attendait vraiment beaucoup plus de lui. Enfin, il aurait pu tenter de dépersonnaliser le débat. Autrement dit, de dire : oui, j’ai fauté, mais regardez ce qui se passe autour de moi », détaille l’experte en communication de crise digitale.
Malgré tout, la communication de François Fillon aurait pu être encore plus catastrophique en remettant la faute sur sa femme. Ce qu’il n’a (pour le moment) jamais fait. « S’il avait laissé entendre qu’elle avait un peu trop tiré sur la corde, il était mort », estime-t-elle. C’est peut-être d’ailleurs la seule chose qui lui reste.