Pour sa première tribune, Marie Eloy, fondatrice de Femmes de Bretagne, raconte comment elle a vécu ses premières nominations à un prix.
« Au début, quand j’ai reçu un mail annonçant ma nomination, j’ai cru qu’il s’agissait d’une erreur ! Pendant deux jours, j’ai attendu un mail rectificatif des organisateurs du prix, la boule au ventre… J’étais sûre qu’ils s’étaient trompés de personne… En vain ! J’ai alors commencé à oser en parler un peu autour de moi… Je ne pensais vraiment pas faire partie des nominées ! »
Quand Anne* me raconte comment elle a vécu sa participation à un prix prestigieux dont le réseau Femmes de Bretagne est partenaire, nous rions de nous-mêmes tant nous avons conscience de nos réactions caricaturales. « Et cela a changé ma vie ! Je reçois plein de mails, de propositions, de business… Les regards sur moi aussi ont évolué… en bien ! »
Membre du jury de plusieurs prix, je suis confrontée comme tous à la difficulté de « trouver » des candidates, alors que nous ne manquons pas de candidatures masculines. Non seulement, dans l’entrepreneuriat, les femmes sont peu nombreuses à répondre aux critères (14% de femmes seulement sont à la tête d’entreprises de plus de 10 salariés), mais en plus, elles sont peu enclines à se rendre visibles. Ce qui revient à un véritable casse-tête pour les organisateurs de prix et à un podium parfois uniforme où, malheureusement, les seules femmes sur scène sont les hôtesses apportant les trophées.
Alors à quoi bon participer ?
Pourquoi ? Si on fait table rase des raisons historiques, culturelles, sociétales etc qui pèsent lourdement, la cause principale, que nous pouvons faire évoluer ensemble, est que nombre de femmes – moi la première -, n’imaginent pas être légitimes et encore moins « mériter » un prix pour leur parcours ou réalisations. Alors à quoi bon participer ?
Pour beaucoup, il semble effectivement difficile d’envisager recevoir une récompense quand, autour de nous, au quotidien, nous manquons cruellement de « jurisprudence », d’exemples visibles auxquels nous identifier. Dans les médias, il n’y a que 20% de femmes interviewées. Et les rares cheffes d’entreprises médiatisées nous paraissent bien souvent tellement exceptionnelles que nous avons dû mal à imaginer que nous pourrions, à notre tour, emprunter ce chemin et devenir une dirigeante ou une cheffe d’entreprise d’envergure récompensée pour son parcours.
« Et c’est un peu prétentieux de participer à un prix, non ?… »
Il y a quelques mois, membre du jury d’un prix, je savais que nous manquions de profils dans une catégorie spécifique… En intervenant à une conférence, je me retrouve aux côtés d’Hélène*, une femme pétillante, novatrice et pile compétente dans le domaine recherché. Je lui suggère de participer au prix… Quelques temps plus tard, sans nouvelles de sa part, je lui envoie directement le lien de participation.
Hélène me renvoie un mail dubitatif et souhaite me parler. Au téléphone, elle trouve à peu près toutes les excuses pour ne pas y participer. « Et pourquoi moi ? Mais tu es sûre que je peux ? Mais il y a tellement mieux que moi ! Et c’est un peu prétentieux de participer à un prix, non ?… » Au bout de quelques minutes, je trouve enfin un argument et lui réponds que si elle ne le fait pas pour elle, qu’elle participe au moins pour les autres, pour montrer le chemin, pour démontrer à son tour qu’on peut occuper un poste à haute responsabilité et être « normale ».
Hélène a participé au prix. Elle l’a remporté au niveau régional. Et, peu après, elle a été lauréate au niveau national. J’étais dans la salle, je l’ai applaudie comme une folle… J’étais si fière qu’elle ait osé ainsi.
« Ils vont finir par se rendre compte »
Sans Hélène, qui m’a forcée à trouver des arguments et m’a fait découvrir ce frein, je n’aurais pas osé participer moi-même au récent prix Madame Figaro « Business with Attitude ». J’ai hésité, demandé conseil autour de moi « mais bien sûr, je n’aurai aucune chance, c’est juste pour voir » et finalement envoyé le dossier à 23h30 le jour de la date limite pour candidater.
Sur 113 dossiers, ma candidature a été retenue parmi les 3 demi-finalistes de la catégorie « Ensemble ». J’étais la première surprise, avec une réaction proche de celles d’Hélène et d’Anne « c’est une vraie chance, mais ils vont finir par se rendre compte que les autres le méritent beaucoup plus que moi ! ».
N’hésitez pas, essayez. Au pire, bien sûr il ne se passera rien
13 janvier : je suis finaliste de la catégorie et en lice pour la finale… ( pour laquelle cette fois, je n’ai objectivement aucune chance, puisque représentant une association et non entreprise). Cette finale offre une merveilleuse visibilité et encore plus de crédibilité à l’association.
Merci Anne. Merci Hélène. Merci à vous toutes les entrepreneures qui nous ressemblent. Merci de sortir ainsi de votre zone de confort et d’oser participer aux prix ou trophées. N’hésitez pas, essayez. Au pire, bien sûr il ne se passera rien. Même si cela permet souvent de clarifier son parcours, son projet, son ambition. Et au mieux… tout est possible !
Il ne s’agit pas de flatter son égo. Mais de contribuer, par notre présence, notre visibilité médiatique, nos actions, nos convictions, à davantage d’équilibre et de diversité dans notre société. Alors, à vous de jouer !