Widoobiz s’est rendu à l’assemblée de clôture de la mini-entreprise EPA, Van’Heart au collège Marx Dormoy dans le 18e arrondissement de Paris.
Du papier, des crayons, des planches de bois, de la peinture, et une ambiance conviviale : ça, c’est Van’Heart ! Les élèves de 3ème du collège Marx Dormoy ont clôturé début juillet toute une année de travail sur leur mini-entreprise Entreprendre pour apprendre (EPA), Van’Heart. Depuis plusieurs années l’association EPA initie les jeunes au monde professionnel et au travail de groupe dans des collèges et des lycées. Pendant un an, ces élèves doivent développer un produit ou un service en vue de sa commercialisation. Accompagnés de deux professeurs de leur collège et de deux personnes extérieures, les élèves se sont réunis tous les vendredi après-midi pour créer une entreprise « comme des grands ».
« Au début personne n’y croyait » explique Fouzia, la PDG de Van’Heart. Elle a été élue par l’équipe, de même pour Princesse, la DG de la mini-entreprise. Ils sont 16 membres, choisis par la mini-entreprise du collège de l’année précédente pour prendre la relève. Il a donc fallu distribuer les rôles. Chacun a choisi deux services dans lesquels il avait envie d’aller, entre la communication, la technique, la finance, la direction… Puis les rôles ont été distribués en fonction des préférences.
« Au début personne n’y croyait »
L’idée de Van’Heart s’est formée petit à petit, en créant du lien social avec la population, ils ont décidé de réconcilier la rue avec le monde de l’art. Partis d’une « idée de l’ensemble de l’équipe » explique Fouzia, ils ont voulu réaménager un camion pour en faire un atelier d’artiste ambulant, en invitant les passants et des artistes à s’exprimer librement sur de grandes feuilles de papier. Fouzia ajoute : « Notre slogan c’est : Devenez artiste », avec un but simple: « que tout le monde puisse créer ensemble. »
Encore faut-il trouver un camion, et les fonds nécessaires à la création du projet. Pas une mince affaire quand on a 15 ans. Mais l’équipe n’a pas froid aux yeux, ils sont allés démarcher dans la rue, projet en main. Ils ont tenté de convaincre les passants pour investir dans leur projet. Un tour de table qui a réuni un capital de départ de 412 euros. Quant au camion, après des mois de recherche sans succès, ils ont finalement trouvé un accord avec la Ville de Paris et les Transports automobiles municipaux (TAM) pour le prêt du van et la place de parking.
« On a 14-15 ans, mais on est capable de créer une entreprise »
Le camion a été posté à l’angle des rues Marx Dormoy et Doudeauville dans le 18ème arrondissement de Paris. Il avait pour cible les artistes de rue professionnels, les passants et, si possible, les sans-abris, qui ont pu s’arrêter pour dessiner, écouter de la musique, peindre. « Une personne qui n’avait pas dessiné depuis plusieurs années est venue dessiner dans notre camion, ça lui a fait énormément plaisir » explique Fouzia. Mais il y a aussi eu des professionnels du street-art comme Monkeyfinger et Shoof, bien connu pour son maniement des lettres arabes et qui avait exposé dans la Tour Paris 13.
Après avoir réuni une quarantaine d’oeuvres, les élèves ont organisé une vente aux enchères avec l’aide de la Maison de ventes Digard sur Drouot. Les prix étaient variables, de 10 euros à 1350 euros pour une œuvre de Stew, un artiste de street art au style japonisant. La vente a durée 8 jours, du 20 au 28 juin et leur a permis de récolter 4.202 euros. Une belle somme à laquelle ils ne s’attendaient pas. « Vous êtes les seuls à avoir réussi ça. Vous avez cassé les murs et sorti ce projet de l’école. », les félicite leur professeur.
« Grâce à la EPA, on a eu envie de créer un truc de nous même »
Les élèves de 3ème du projet Van’heart ont décidé de reverser la moitié des bénéfices aux Secours Populaires afin de permettre aux plus démunis d’être à la fois acteurs et bénéficiaires du projet. L’autre moitié de la somme va être réinvestie dans la mini-entreprise Van’Heart, leur permettant de continuer l’aventure. Un aboutissement et une sacrée réussite pour ces élèves qui ont reçu 3 prix entreprendre pour apprendre. Ils se sont même rendus au Conseil constitutionnel, où ils ont été reçus par le ministre de l’Éducation Benoit Hamon, pour recevoir le prix spécial de l’ordre du mérite, dont ils sont très fiers.
L’aventure n’est pas prête de s’arrêter. La mini-entreprise continue l’année prochaine avec l’association junior, grâce à l’aide de l’INPI, l’Institut National de la Propriété Industrielle. « Plusieurs équipes vont se former l’année prochaine pour pouvoir continuer à faire marcher le camion », explique Juliette. Elle ajoute : « Pour après, on va essayer de développer de nouvelles techniques artistiques. Le slam ce serait bien, ou même l’écriture ».
Un comportement exemplaire, qui dépasse de loin les attitudes que peuvent avoir des collégiens « normaux ». Leur professeur a même conclu: « Vous n’êtes plus des élèves, vous êtes des citoyens ».
Nèle Grizard