Dans un contexte mondial morose pour les banques
En Algérie, les filiales des banques privées alignent des records de bénéfices
C’est l’un des paradoxes de l’économie nationale. Au moment où les grandes banques internationales traversent une crise sans précédent, en Algérie leurs filiales affichent une santé insolente. En 2010, les banques privées ont réalisé des bénéfices de plus de 24 milliards de dinars (240 millions d’euros) contre 15,6 milliards en 2009, soit une hausse de 54 %, selon des données fournies ce dimanche 16 octobre par Mohamed Laksaci, Gouverneur de la Banque d’Algérie. Il présentait à l’Assemblée populaire nationale (APN) le rapport de son institution sur la conjoncture économique et financière de 2010 et du premier semestre 2011.
Les bénéfices des banques publiques progressent en revanche moins rapidement : 71,86 milliards de dinars en 2010 contre 70,23 milliards en 2009, soit une légère hausse de 2,3 %. À la fin 2010, le système bancaire algérien se composait de 20 banques dont 6 publiques et 14 privées à capitaux étrangers, filiales ou succursales de banques internationales et 6 établissements financiers.
Ces résultats, a expliqué M. Laksaci, ont été possibles grâce à « la réduction des risques de crédits, la diminution des dépréciations d’actifs et la maîtrise des charges opérationnelles ». Mais d’autres facteurs ont favorisé cette situation. Selon nos informations, les banques privées installées en Algérie s’attendent d’ailleurs cette année à des bénéfices record. Elles profitent d’une conjoncture favorable et de revenus récurrents liés à l’activité économique, notamment l’explosion des importations. L’Algérie a importé pour 40 milliards de dollars en 2010. Le chiffre devrait dépasser les 48 milliards cette année.
Parmi ces sources de bénéfices pour les banques figure par exemple le Crédit documentaire (Credoc), instauré par la loi de finances complémentaire (LFC) 2009. Plusieurs taxes sont instaurées pour chaque opération d’importation : frais de domiciliation bancaire, frais d’ouverture du Credoc, frais de transfert prélevés à chaque opération, etc. En somme, sur chaque opération d’importation effectuée par l’Algérie, la banque se voit rémunérer pour un rôle d’intermédiaire dans lequel elle ne fait que confirmer des écritures, souvent par e‑mail, sans mobiliser des ressources ou investir. « Pour les banques privées, c’est une source de revenus inespérée », explique un connaisseur du secteur bancaire.
Le caractère international des banques privées les place aussi en situation favorable par rapport à leurs concurrentes publiques dans les opérations de commerce extérieur. « Les fournisseurs étrangers préfèrent souvent traiter avec des banques qu’ils connaissent », reconnaît un chef d’entreprise. Les banques privées attirent également les clients les plus fortunés, notamment les entreprises privées. Ces dernières préfèrent souvent domicilier leurs comptes dans des banques privées, jugées plus modernes et plus performantes. Les banques publiques continuent cependant de gérer les comptes de grandes entreprises comme Sonatrach, Sonelgaz, Algérie Télécom, Cosider, etc. Depuis l’affaire Khalifa, les entreprises publiques ne sont pas autorisées à faire des dépôts dans des banques privées.
Autre avantage : les banques privées ne prennent que très peu de risques en Algérie. Elles se limitent presque exclusivement à financer des opérations de commerce extérieur, présentant peu de risques. Les projets industriels, d’infrastructures ou présentant un risque élevé (comme les crédits Ansej) sont laissés aux banques publiques. Certes, les banques privées ont une bonne excuse : le gouvernement ne les autorise pas à participer au financement de projets d’infrastructures. Mais rien n’empêche ces banques d’accorder plus de crédits aux entreprises privées algériennes.Enfin, et c’est sans doute le plus grand paradoxe de la situation, le gouvernement freine le développement de ces banques en délivrant les autorisations d’ouverture de nouvelles agences au compte‑gouttes. Or, le seul investissement que peut réaliser une banque concerne justement l’ouverture d’agences : elle doit dépenser pour la location, l’aménagement et surtout le recrutement de son personnel. En les freinant, le gouvernement pénalise très peu leur activité. Mais il leur permet d’augmenter leurs bénéfices en investissant moins.TSA Samy Cherroud http://algerquartiermarine.blogspot.com/